6.000 à 8.000 jeunes Tunisiens enrôlés dans les combats en Syrie, 1.200 tués et 64 dans les prisons syriennes
Les autorités tunisiennes ont annoncé officiellement l’ouverture cette semaine, mercredi 9 juillet précisément, d’un bureau administratif à Damas, après plus de deux ans de rupture des relations diplomatiques avec la Syrie. Le 4 février 2012, le président provisoire de la République, M. Moncef Marzouki, avait en effet décidé, de manière « hâtive » et à la surprise des Tunisiens, le renvoi de l’ambassadeur syrien à Tunis « en protestation contre les crimes commis par le régime d’Al-Assad contre le peuple syrien », comme il l’avait déclaré. La mission de la nouvelle antenne de liaison administrative, qui prendra le relais de la cellule de suivi à partir du Liban, se limitera, selon les déclarations officielles, à fournir des services consulaires à la communauté tunisienne en Syrie, dont le nombre est vaguement estimé à 6.000 individus. Des services on ne peut plus urgents pour permettre enfin aux Tunisiens se trouvant en Syrie de reprendre contact avec leur pays d’origine et de régulariser leur situation administrative, mais aussi, aux autorités tunisiennes de connaître de manière précise la situation des ressortissants tunisiens et de tirer au clair la question liée aux jihadistes tunisiens. Selon une source officielle, 6.000 à 8.000 jeunes ont été enrôlés, depuis le début des événements, par des réseaux terroristes tunisiens, via des associations (157 environ) et par Internet, et acheminés en Syrie pour le jihad. 1.200 d’entre eux ont été tués et 64 sont emprisonnés actuellement, selon des chiffres déclarés par la partie syrienne. Des chiffres à vérifier par la nouvelle antenne administrative car la menace est réelle vu le contexte inquiétant qui nécessite des mesures sérieuses et urgentes. Inquiétant en raison du retour probable de certains jihadistes en Tunisie, sachant que d’autres se sont déplacés de Syrie vers la Libye où l’on dénombre 18 camps d’entraînement, selon une source informée.
Activer l’adoption de la loi antiterroriste
Le nouveau bureau administratif à Damas, malgré sa mission relativement limitée, aura certainement du pain sur la planche pour élaborer un diagnostic réel de la situation de la communauté tunisienne et surtout pour faire toute la lumière sur les milliers de jeunes Tunisiens pris dans les filets des organisations terroristes — qui sévissent et s’entretuent en Syrie — et dont un nombre voudrait peut-être revenir en Tunisie. En prévision du retour probable de ces jihadistes, l’ouverture de ce bureau devrait contribuer à activer l’adoption de la loi antiterroriste par les membres de l’ANC afin de préparer l’outil juridique adéquat pour traiter les affaires de terrorisme selon les normes qui garantissent les droits de chacun. Des experts appellent à ce que cette loi touche également les sites électroniques terroristes qui recrutent les futurs jihadistes sur le Net. La plupart des pays, y compris occidentaux, touchés par le recrutement de leurs jeunes ressortissants, ont pris des mesures pour prendre en charge leur probable retour. En Tunisie, le silence plane sur le sujet qui n’est évoqué par aucune partie. Pire, au niveau de l’ANC, des élus s’évertuent même à retarder l’adoption de la loi antiterroriste sous prétexte de chercher à garantir le respect des droits de l’homme.
Qu’on le veuille ou pas, le terrorisme s’est installé dans nos murs. Les martyrs continuent de tomber parmi les soldats et les forces de sécurité. Les opérations sécuritaires et les arrestations de dangereux terroristes sont presque quotidiennes. Tout le monde sait comment ce terrorisme s’est installé et qui l’a aidé. Et aujourd’hui, une chose est sûre : « Le terrorisme va durer », assure une source sécuritaire. C’est un phénomène dangereux qui nécessite beaucoup de moyens (logistiques et humains) et de patience, mais « il faut faire en sorte qu’il ne devienne pas une menace », indique la même source. Comment ? « Il faut rétrécir son terrain d’action ». Ceci ne sera possible que si le terrorisme sera traqué sur tous les fronts (sécuritaire, judiciaire, diplomatique, politique, culturel et éducatif) avec toutes sortes d’armes et pas seulement les armes à feu. Beaucoup de temps a été déjà perdu à cause des tiraillements et des calculs politiques. Il est temps que l’on passe aux choses sérieuses surtout que les prochaines échéances électorales sont à nos portes et qu’une bonne partie des Tunisiens, dégoûtée par la politique et les querelles partisanes, rechigne à faire le pas vers les bureaux de l’Isie pour s’y inscrire.