Human Rights Watch a publié, lundi 3 septembre 2012, un communiqué dans lequel l’organisation appelle à l’abandon des poursuites contre les artistes tunisiens, notamment celles entamées contre deux artistes qui ont exposé au "Printemps des arts", l’exposition artistique tenue du 1er au 10 juin 2012, au Palais Abdelliya de La Marsa. Le même communiqué précise que Nadia Jelassi et Mohamed Ben Slama, dont les œuvres étaient montrées dans une exposition de La Marsa en juin 2012, pourraient écoper d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison s’ils étaient reconnus coupables. Leur travail multimédia avait provoqué des manifestations pendant l’exposition. Le juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis a informé les deux artistes, en août, qu’ils étaient poursuivis en vertu de l’article 121.3 du code pénal. «A maintes reprises, les procureurs se sont servis de la législation pénale pour étouffer l’expression critique ou artistique», a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Des blogueurs, des journalistes et à présent des artistes sont poursuivis pour avoir exercé leur droit de s’exprimer librement», ajoute t-il. «De nombreux Tunisiens, conclut le communiqué, s’attendaient à ce que des lois répressives comme l’article 121.3 ne survivent pas longtemps au dictateur qui les a fait adopter», a conclu Goldstein. «Nous observons à présent que tant que le gouvernement provisoire ne se fixe pas comme priorité de se débarrasser de telles lois, la tentation est irrésistible de les utiliser pour réduire au silence ceux qui sont en désaccord ou qui pensent différemment».
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Les prisonniers d’El Hancha dénoncent des « actes de torture » et des « tentatives de viol »
Les trois personnes arrêtées lors des récents événements d’El Hancha ont déclaré, devant le juge d’instruction, avoir subi des actes de torture et de mauvais traitement mais également des menaces de viol et des « actes immoraux », lors de leur détention. Selon les déclarations de Zoubaier Louhichi, avocat des personnes arrêtées et président de la section de Sfax-Nord de la Ligue Tunisienne pour la défense des droits de l'Homme (LTDH), sur les ondes de Shems Fm, le rapport du médecin légiste de l’hôpital régional de Sfax, qui a examiné les prisonniers, a confirmé les actes de tortures perpétrés contre eux
Ennahdha se sert des salafis comme d’un épouvantail
Depuis la chute du régime de Ben Ali, les Tunisiens font face à une nouvelle menace : l’émergence visible et violente de grouspuscules salafistes. En quelques semaines, les attaques impliquant des éléments de cette mouvance religieuse radicale se sont multipliées. L’agression d’un élu français , Jamel Gharbi, au Festival de Bizerte le 16 août dernier, celle de la ville de Sidi Bouzid où des dizaines de salafistes ont fait 7 blessés ou encore l’annulation de la représentation du spectacle « Made in Tunisie, 100 pour cent Hallal » de l’humoriste Lotfi Abdelli dans la localité de Menzel Bourguiba, ont illustré violemment la montée en puissance de cette tendance ultra-minoritaire mais très active. Comment comprendre ce phénomène qui a frappé également d’autres pays du monde arabe comme l’Egypte ou d’Afrique noire tels que le Mali ou la Somalie ? En Tunisie, « on a l’impression que les salafis viennent de nulle part alors qu’ils sont d’implantation lointaine », explique Samir Amghar, spécialiste de ce mouvement et auteur du livre Les Islamistes au défi du pouvoir (Michalon). « Ils étaient tout juste tolérés sous Ben Ali, on laissait faire car ils ne prônaient pas l’action armée, étaient apolitiques et très critiques à l’égard des autres mouvements islamistes », précise le sociologue. L’équation géopolitique saoudienne Toutefois, la recrudescence de leur activisme serait aussi l’une des conséquences du printemps arabe. « Depuis la révolution tunisienne, on assiste à un développement du salafisme qui est la conjonction de trois facteurs : le retour de salafis installés en Europe après la chute de Ben Ali, de djihadistes partis en Irak et la libération de militants ultra-radicaux des prisons tunisiennes », ajoute Samir Amghar. Si elles ont toujours existé dans les pays musulmans, les tendances salafistes ont néanmoins bénéficié d’un soutien extérieur, à la fois financier et politique, clairement identifié et qui les ont nettement renforcées. Pour Mohamed-Ali Adraoui, chercheur et enseignant à Sciences Po sur le monde arabe, « leur émergence est l’une des conséquences et l’un des outils de la politique étrangère saoudienne ». « Depuis la guerre en Libye, poursuit-il, l’Arabie Saoudite a adopté une politique plus proactive pour empêcher l’émergence de pôles qui pourraient lui nuire. Le calcul qui a consisté à financer et à appuyer l’émergence des mouvements salafistes est fait par certains dirigeants saoudiens.» Ainsi, en Egypte, le résultat impressionnant du parti politique salafiste An-Nour aux dernières élections a été rendu possible par le soutien financier de plusieurs millions de dollars en provenance de Ryad. Un soutien décisif car « moins d’un an avant les élections égyptiennes, An-nour ne voulait pas faire de politique », précise M. Adraoui. Ennahdha joue-t-il un double jeu ? A quels objectifs obéit ce soutien saoudien ? D’après Samir Amghar, à des considérations purement géopolitiques éloignées de toute motivation religieuse. « Il faut savoir que les Frères musulmans sont financés par le Qatar. En arrière-cour se joue une sorte de guerre entre ces deux pays qui luttent pour le leadership islamique sur le monde musulman et avoir des relais pro-qataris ou pro-saoudiens dans ces pays-là. Ils font le pari qu’à un moment ou à un autre, ces partis auront le pouvoir », dit-il. Dans cette compétition politique, les mouvements salafistes sont utilisés comme un moyen de faire barrage aux Frères musulmans dont se méfie pleinement Ryad. « Les relations entre l’Arabie saoudite et les Frères musulmans se sont détériorées », confirme Mohamed-Ali Adraoui. « Une partie des dirigeants des Frères musulmans voudrait faire des ouvertures à l’Iran, ce qui a soulevé la crainte que l’Egypte s’éloigne des Etats-Unis et de Ryad », précise encore le chercheur à Sciences Po. Mais les relations entre Frères musulmans et mouvements salafistes pourraient être plus ambiguës qu’elles ne le paraissent a priori. Selon Samir Amghar, une convergence idéologique et un certain opportunisme politique auraient poussé les leaders d’Ennahdha, actuellement au pouvoir à Tunis, à instrumentaliser les groupes salafistes. « On a l’impression, dit-il, même s’il faut le recouper par des entretiens et des témoignages, qu’il y a une instrumentalisation, de la part des islamistes tunisiens, des salafistes, pour capitaliser leur succès sur leur propre parti. C’est une manière pour eux de sous-traiter le champ islamique. Les Frères musulmans vont tenir des postures officielles hyperconsensuelles. En même temps, leur base leur réclame d’avoir des postures un peu plus radicales, qu’ils ne peuvent pas avoir et qu’ils vont donc déléguer aux salafis. » Parler d’islam pour ne pas parler du chômage Les salafistes rempliraient ainsi une double fonction de soutien politique mais aussi de contrefeux social pour les responsables islamistes tunisiens
En Tunisie, des citoyens veulent envoyer l’Assemblée constituante au tribunal
Plusieurs associations et militants ont déposé plainte contre le palais du Bardo. Lassés par l’opacité qui règne à l’Assemblée, ils réclament l’application de la transparence et la publication des activités parlementaires. C’est une grande première en Tunisie. Mercredi 29 août, un collectif de citoyens a déposé plainte contre l’Assemblée nationale constituante (ANC) au tribunal administratif de Tunis. Ils reprochent au palais du Bardo de ne pas respecter l’obligation de transparence à laquelle il est théoriquement soumis. Les plaignants – l’ONG Al Bawsala, l’association Nawaat, et plusieurs membres du collectif OpenGov TN – exigent « la publication des votes des élus, des registres de présence, ainsi que de tous les procès verbaux, rapports et travaux réalisés depuis le 23 Octobre 2011 ». La loi et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale constituante imposent la diffusion de ces informations. Pourtant, plus de dix mois après sa création, l’ANC refuse toujours de rendre ses activités publiques. Un groupe de parlementaires, acquis au principe d’ « open gouvernance », a bataillé pendant un temps pour obtenir la publication en ligne des débats. Ils ont fini par renoncer et se ranger derrière l’avis des dirigeants de la troïka, qui jugeaient la période trop sensible pour ce genre d’initiative. Lassés par cet échec et plusieurs actions vaines, les militants ont décidé de passer la vitesse supérieure en portant l’affaire devant les tribunaux. « J’ai personnellement rencontré Mustapha Ben Jaafar (président de l’ANC, NDLR) à deux reprises, explique Amira Yahyaoui, présidente de l’ONG plaignante, Al Bawsala. Il s’était engagé deux fois à appliquer la transparence. Il ne l’a jamais fait ». Lors d’une conférence de presse organisée dans un hôtel de Tunis, le « collectif de la plainte contre l’ANC » a répété que la plainte ne visait pas les élus mais bien le bureau de l’Assemblée. D’après ses membres, cette procédure en justice était devenue inévitable face au mutisme des responsables parlementaires. La transparence coûte que coûte La plainte soumise au tribunal administratif de Tunis, une longue procédure judiciaire va désormais commencer. « Je pense qu’il n’y aura pas de procès avant un an et demi, deux ans, indique Kaïs Berjab, un des quatre avocats du collectif citoyen. Mais là n’est pas le sujet. Nous menons cette action pour le symbole et souhaitons créer une jurisprudence historique en la matière ». Avec la pression médiatique qui entoure le Bardo, une accélération de la procédure est toutefois envisageable. Reste aussi à savoir ce qu'il adviendrait en cas de dissolution de la Constituante, une situation inédite et sans précédent. En s’attaquant à l’État tunisien, les plaignants savent que la tâche sera compliquée. « La justice n’est pas indépendante, c’est sûr, mais nous avons bon espoir, analyse Amira Yahyaoui. Ce procès va être très médiatique et nous avons un fort soutien populaire ». Remontée comme une pendule, la présidente d’Al Bawsala est déterminée à faire appliquer les droits de ses compatriotes. Elle annonce d’ores et déjà qu’en cas de jugement défavorable, le collectif fera appel. Et ne ferme pas la porte à des actions plus radicales si leurs revendications ne sont pas entendues. « On ira jusqu’au bout et on obtiendra cette transparence coûte que coûte », prévient-elle. D'ici là, la plainte sera sûrement au centre des discussions lors de la rentrée parlementaire, prévue lundi 3 septembre.
Plainte contre l’ANC pour «abus de pouvoir et non respect des lois»
Les associations "Al Bawsala", "Nawat", et "OpenGov Tunisie" ainsi que nombre de citoyens ont déposé une plainte auprès du Tribunal administratif contre l'Assemblée nationale constituante (ANC) pour «abus de pouvoir et non respect des lois», ont annoncé, vendredi 31 août 2012, des représentants de ces associations lors d'une conférence de presse à Tunis. Cette action vise à «défendre le droit d'accès à l'information et la transparence des travaux de la Constituante» ont-t-ils précisé. «La plainte ne vise pas les membres de l'ANC, mais sa direction, et sa présidence en particulier», a expliqué la cyberactiviste Amira Yahiaoui de l'association «La Boussole». Les représentants de ces associations avaient revendiqué lors de deux réunions avec le président de l'ANC Mustapha Ben Jaâfar, la publication des procès verbaux des travaux des commissions et des plénières de l'assemblée ainsi que le registre des présences des membres de l'ANC et les détails des opérations de vote. Le non-respect par l'ANC de cette revendication contrevient au décret n°41 de l'année 2011 sur le droit d'accès du citoyen aux documents administratifs des établissements publics, a-t-elle ajouté. Réagissant à cette plainte, un responsable de la présidence de l'ANC a souligné l'attachement de la Constituante au principe de la transparence et au droit des citoyens à l'information, imputant la non publication des documents à temps à «l'insuffisance des ressources humaines et techniques». Les efforts, a-t-il ajouté, se poursuivent en partenariat avec le programme des Nations Unies pour le développement afin d'améliorer les moyens techniques de publication, et de comptage des présences et des votes. Il a rappelé que les travaux de l'assemblée sont ouverts aux médias, et que les plénières sont diffusées en direct à la télévision, ajoutant que l'ANC a pris l'initiative de transmettre à l'imprimerie officielle des documents comportant les salaires des membres de la Constituante ainsi que ceux de son président et de ses adjoints qui seront publiés prochainement dans le journal officiel.
Kalthoum Kennou exhorte Noureddine Bhiri à libérer les magistrats de son emprise
La présidente de l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT), Kalthoum Kennou,a adressé, en date du 30 août 2012 via sa page Facebook, une lettre ouverte à l’attention du ministre de la Justice Noureddine Bhiri, l’appelant à ne plus imposer diktat aux magistrats et à leurs mutations. Elle a commencé par lui rappeler leur passé commun dans la lutte contre le régime de Ben Ali et ses ministres et leur instrumentalisation de la justice afin de battre leurs adversaires parmi les activistes, dont nombre d’hommes de droit et de politique et dont Noureddine Bhiri faisait partie. Elle a, également, rappelé que les mutations parmi les juges étaient également utilisées à ces mêmes desseins. Mme Kennou a affirmé que ces militants étaient très peu nombreux auparavant, mais qu’actuellement, leur nombre a augmenté considérablement. Elle a affirmé que le peuple tunisien est en quête d’une justice totalement et réellement indépendante du pouvoir législatif. C’est pourquoi, elle appelle le ministre à ne plus exercer son autorité sur les magistrats ni sur leurs mutations. Kalthoum Kennou n’a pas omis, à la fin de sa lettre d’émettre un message subtil quant aux éventuelles conséquences de sa politique.
Une Assemblée Nationale Constituante… pour les jeunes
Une Assemblée nationale constituante des jeunes a démarré, jeudi 30 août, au siège du ministère des Droits de l'Homme et de la justice transitionnelle, à l'initiative de l'association I Watch (je surveille). Ce projet auquel participent des jeunes âgés entre 18-30 ans venus de toutes les régions du pays vise à impliquer ces derniers dans l'action politique, à leur offrir un espace pour s'exprimer sur des questions nationales et à rapprocher les points de vue entre les générations. Les jeunes constituants débattront durant trois jours (du 30 août au 1er septembre 2012) de questions se rapportant à l'élaboration de la nouvelle constitution, l'indépendance de la justice, la corruption, la réforme administrative, le détournement des deniers publics, les martyrs et les blessés de la révolution et la réactivation de l'amnistie générale. Ils examineront, également, le volet régional du budget complémentaire et évoqueront la haute instance indépendante pour les élections. L'association I Watch, créée le 21 mars 2011, vise à lutter contre la corruption et à promouvoir la transparence.
Grogne dans le corps de sécurité à Ben Guerdane
Plusieurs corps de sécurité ont observé, jeudi matin, un sit-in devant le district de la garde nationale de Ben Guerdane sur fond de la convocation d’officiers de la garde nationale pour enquête. « Les forces de sécurité ne sont pas contre la reddition de compte, toutefois elles revendiquent une justice indépendante composée de juges judiciaires et militaires », a indiqué le secrétaire général du syndicat de la garde nationale à Ben Guerdane Mohamed Nabigh.
Les syndicats des forces de l’ordre veulent l’inscription du principe d’une police républicaine et neutre
L'Union nationale des syndicats des forces de l'ordre a appelé, mardi 28 août 2012, l'Assemblée nationale constituante (ANC) à inscrire dans la nouvelle constitution le principe d'une police républicaine et neutre. Dans un courrier adressé au président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, dont une copie est parvenue à la TAP, l'Union a également exhorté la constituante à adopter la loi portant création d'une haute instance pour la réforme de l'appareil sécuritaire, chargée de préparer un code des forces de sécurité intérieure. Ces demandes sont «légitimes», a affirmé de son côté le président de la commission des instances constitutionnelles Jamel Touir, précisant toutefois que le projet de la constitution évoque dans les principes fondamentaux la question de la police républicaine. «En raison de son caractère provisoire», la réforme de l'appareil sécuritaire ne peut en revanche être inscrite dans la constitution, a-t-il ajouté. L'ANC examine en ce moment la possibilité de mettre en place cinq instances constitutionnelles. Il s'agit de "l'instance indépendante des élections", "l'instance indépendante de l'information", "l'instance indépendante des Droits de l'Homme", "l'instance indépendante du développement durable et les droits des générations futures", en plus du "haut conseil islamique" dont la constitutionnalisation est sujette à débat, selon Jamel Touir.
Eviter toute considération partisane et idéologique
Le ministre des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou, a appelé les parties intervenantes dans le processus de justice transitionnelle à s’employer à servir uniquement l’intérêt national loin de toute considération partisane et idéologique étriquée pour servir l’intérêt national. Le ministre qui s’exprimait, samedi, à Tunis, lors d’une journée portes-ouvertes avec les associations sur «le processus de la justice transitionnelle en Tunisie», a mis l’accent sur la nécessité de séparer le concept de la justice transitionnelle et la justice en période de transition, faisant remarquer que l’examen des dossiers au cours de cette période et avant même la promulgation de la loi relative à la justice transitionnelle ne permettra pas de vider le système de son contenu. Selon le coordinateur de la commission technique chargée de superviser le dialogue national sur la justice transitionnelle, l’objectif de cette rencontre est de permettre aux associations de défense des Droits de l’Homme de présenter leurs visions et suggestions sur le projet de loi relatif au processus de la justice transitionnelle. Plusieurs représentants des associations, présents à cette conférence, ont exprimé leur inquiétude quant à la lenteur du processus de la justice transitionnelle. «Le retard accusé dans la promulgation d’une loi relative à la justice transitionnelle videra probablement ce concept de son contenu», a indiqué le président de la Ligue tunisienne des droits et des libertés, Fathi Ghazouani. Le représentant d’Amnesty International, Zouhaïr Makhlouf, a, de son côté, accusé les trois gouvernements de la Tunisie post-révolutionnaire de «s’être joués de la justice transitionnelle», faisant allusion à la destruction des documents et des dossiers de certains corrompus pour leur permettre d’échapper à la justice. Le conférencier a appelé à la création de mécanismes indépendants et permanents garantissant le non-retour aux pratiques précédentes.