lundi , 20 mars 2023
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Les Tunisien(ne)s à l’étranger pour un large consensus républicain bannissant la violence

Lettre ouverte signée par des Tunisien(ne)s résidant à l’étranger adressée aux responsables de la «troïka» et à tous les partis et mouvements politiques en Tunisie: «Pour un large consensus républicain bannissant la violence». La Tunisie vient, à nouveau, de se trouver confrontée à un cycle de violences de la part de groupes présumés salafistes. Ces violences ont pris pour cible non seulement la liberté d’expression et de création culturelle et artistique mais elles ont également visé des tunisien(ne)s musulman(e)s qui avaient «le tort», à leurs yeux, de pratiquer un islam différent du leur. Ce n’est pas la première fois que de tels groupes et mouvements se réclamant du salafisme s’en prennent ainsi aux symboles de la Tunisie diverse, tolérante et ouverte sur le monde. Cela n’est pas sans nous rappeler les slogans et les actes indignes lancés à maintes reprises contre les communautés juives ou chrétiennes de Tunisie bafouant ainsi la liberté de croyance. Garantir le «vivre ensemble» dans cette nouvelle Tunisie L’un des premiers et grands mérites de la révolution tunisienne a été de libérer la parole dans tout le pays en faisant voler en éclats la chape de plomb imposée par des décennies de dictature du parti unique et de la pensée unique. La liberté d’expression, de création, de pensée… constituait – à côté de la dignité, de la démocratie et de la justice sociale – l’une des aspirations les plus immédiates et essentielles de l’insurrection populaire de 2010-2011, comme d’ailleurs de celle du Bassin minier deux ans plus tôt. Un début de concrétisation de ces aspirations s’est traduit par les premières élections démocratiques d’octobre 2011. Les instances, légitimées par les élections (Assemblée nationale constituante et exécutif), se devaient d’agir pour donner au pays les institutions stables et pérennes qui puissent garantir, dans la durée, le «vivre ensemble» de cette nouvelle Tunisie. Et pour ce faire, le consensus entre les différentes forces et expressions politiques, idéologiques et sociales, représentant l’écrasante majorité de l’opinion tunisienne, était indispensable. Non pas un consensus flou et sans principes mais un consensus qui affirme clairement les lignes rouges et les garde-fous à ne pas franchir sauf à porter atteinte à la fois à l’intérêt du pays et à la cohésion nationale et donc par là même aux aspirations de la révolution. Aussi, incontestablement, les violences comme moyen de régler les différends politiques et celles faites aux femmes, aux intellectuels, aux minorités nationales et contre les luttes sociales constituent-elles l’une de ces lignes rouges à ne pas franchir. Toutes les familles et expressions politiques, élu(e)s, pouvoir exécutif, société civile… doivent y souscrire impérativement et l’affirmer de la manière la plus explicite et sans équivoque. C’est la condition même pour que le «vivre ensemble» puisse exister. L’Etat n’est un instrument au service d’un parti L’Etat (tout au moins dans un Etat de droit) est à la fois garant de la paix civile et de la justice sociale. Cet Etat ne peut donc pas se conduire comme un instrument au service d’un parti, d’une famille ou d’une idéologie, comme ce fut le cas sous les régimes précédents. Il se doit aussi de respecter et protéger scrupuleusement les droits individuels. Les groupes se réclamant du salafisme et qui agissent ouvertement par les moyens violents se placent d’emblée et volontairement hors de ce consensus républicain. Le laxisme dont a fait preuve jusqu'à aujourd'hui l’Etat envers ces actions violentes légitime les soupçons de sa complaisance ou de sa complicité avec ceux qui prônent et pratiquent cette violence de longue date et en toute impunité. Assurer la sécurité et les libertés de chaque Tunisien(ne)s est un des devoirs essentiels d’un Etat démocratique. Il ne s’agit donc pas d’interdire l’expression des opinions mais d’empêcher que des individus puissent agresser d’autres citoyen(ne)s en toute impunité. En contraste avec cette impunité accordée à ces groupes, nous assistons à une «criminalisation» de tous ceux et toutes celles qui osent émettre des opinions différentes ou se mobiliser pour la défense de leurs droits sociaux et économiques les plus élémentaires. Nous Tunisien(ne)s résidant à l’étranger dénonçons fermement ces agressions et exprimons notre pleine solidarité avec celles et ceux qui en sont victimes et nous exigeons que le gouvernement tunisien prenne toutes les mesures nécessaires pour poursuivre les coupables et mettre fin à ces violences. Nous adressons cette lettre ouverte à tous les responsables des mouvements et partis politiques sans exception, aux organisations de la société civile et, par delà, nous nous adressons à chaque Tunisien(ne) et les appelons à se joindre à cet appel afin de constituer le plus large front pour bannir la violence de l’espace public tunisien. Car ce qui est en jeu c’est la construction d’une Tunisie démocratique pour toutes et tous et surtout pour les générations futures. Et comme le dit la sagesse amérindienne «cette terre ne nous appartient pas, ce sont nos enfants qui nous la prêtent» à nous de la leur rendre enviable. Les premiers signataires : Mohsen Dridi ; Mouhieddine Cherbib ; Mohamed Hamrouni ; Najet Mizouni ; Tarek Benhiba ; Khaled Abichou ; Sophie Bessis ; Abderrazak Horchani Bouazizi ; Houcine Bardi ; Aïda El Amri ; Besma Othmani ; Cherif Ferjani ; Khaled Hmida ; Hafedh Affes ; Radhia Hamrouni Pothier ; Ali Ben Ameur ; Khanfir Hicham ; Sarah Fourati ; Karima Nagati ; Mouhieddine Abassi ; Noureddine Senoussi ; Kamel Ghali ; Wajdi Limam ; Amine Hamdi ; Raoudha Faouel ; Monem Derbell ; Houda Zekri ; Hedi Chenchabi ; Nadia Tarhouni ; Taher El Moez ; Amine El Beji ; Jalel Matri ; Fethi Tlili ; Wahbi Jomaa ; Sélim Ben Abdesselem ; Saloua Kammarti ; Mohamed Ben Said ; Asma Kouki ; Abdelwahed Ben Hamida ; Adnane Ben Youssef ; Najoua Kharrat ; Najet Miled ; Leila Sakka ; Moncef El Bahri ; Sophia Ben Sedrine ; Hichem Abdessamad ; Chema Triki ; Annie Novelli ; Celsio Walid Caracci ; Mrad El Gadhoumi ; Fathi Saadallah ; Mohamed Salah Khemiri.

En l’absence d’une instance provisoire de la magistrature comment assurer le mouvement des magistrats ?

A peine une vingtaine de journées nous séparent de la rentrée scolaire et les magistrats perplexes ne savent pas où vont-ils exercer à la rentrée. La situation se complique pour ceux qui sont appelés à exercer dans les régions intérieures du pays et notamment ceux qui ont la charge d’enfants scolarisés et tout le tracas que cela engendre. Comment se fera le mouvement de mutations ? La situation est d’autant plus compliquée, que l’Assemblée National Constituante (ANC) n’a pas voté le texte de loi créant l’instance provisoire de la magistrature qui doit gérer les affaires des magistrats selon la loi fondamentale d’organisation provisoire des pouvoirs, la petite Constitution. Raoudha Lâabidi, qui préside le Syndicat des Magistrats de Tunisie (SMT), précise que le Syndicat se réunira demain lundi à 14h. Le bureau exécutif pourra se réunir. « La situation actuelle des magistrats est intenable, voire aberrante. L’Assemblée Nationale Constituante (ANC) assume la responsabilité de la situation actuelle. Elle aurait dû accorder la priorité à la création de l’instance provisoire de la magistrature. On ne peut parler de transition démocratique dans le pays sans une instance indépendante pour la magistrature. Le risque est de faire machine arrière et de revenir aux licenciements. Il n’est pas question que le ministère décide du mouvement dans le corps des magistrats ». L’Anc est en vacances. La situation est compliquée pour les magistrats. Comment vont se démener les magistrats pour la rentrée scolaire de leurs enfants qui frappe à nos portes, pour leur logement ? Tous les jours on parle du nouveau. Certains parlent de la création d’une commission. Officiellement le ministère de la Justice n’a rien dit. Que faire ? Raoudha Lâabidi, considère qu’il y a « des lignes rouges à ne pas franchir. Il n’est pas question de revenir en arrière. En principe, c’est l’instance provisoire qui doit décider du mouvement des magistrats. En cas d’impossibilité absolue, le Syndicat des magistrats devra être agissant dans les prochaines décisions. Nous proposerons des solutions tout en restant réceptifs. Il n’est pas question que le ministre de la Justice s’approprie et détienne les prérogatives qui sont du ressort de l’Instance. Trop c’est trop ! Nous avons présenté des propositions en mars et en avril derniers. Demeurés sans suite. S’ils avaient tenu compte de nos propositions, nous n’aurions pas été dans cette situation», conclut-elle. De son côté Raoudha Karafi, membre du bureau directeur de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) affirme : « nous n’avons aucun indice sur ce que compte faire le ministère de la Justice, surtout qu’il y a une impasse juridique, concernant la création de l’Instance provisoire des magistrats. Le mouvement des magistrats que ce soit avec l’ancienne législation ou l’actuelle ne peut être fait par le ministre. Il fait partie des prérogatives de l’Instance provisoire. Toute nomination en dehors de l’Instance est considérée comme nulle. Au sein de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT), nous tenons à ce que l’Assemblée Nationale Constituante crée l’Instance provisoire. Il n’est pas question de tergiverser pour revenir à la case départ. S’il y a une volonté politique réelle de mettre sur pied l’Instance, dans un esprit de consensus avec des garanties réelles de l’indépendance, une solution peut être trouvée. La Révolution s’est déclenchée, entre autres, pour instituer un système juridique indépendant et non pour reproduire des institutions dont l’existence n’est que formelle. La solution se trouve dans l’existence de structures indépendantes. Pour résorber les retards constatés, il faut créer l’Instance provisoire. C’est une nécessité à la fois politique et juridique. On ne peut outrepasser la Constitution. On ne peut créer une commission ou une instance opposée au contenu de la petite Constitution, la loi fondamentale d’organisation provisoire des pouvoirs ». Comment sortir de l’impasse du vide juridique ? La Constituante mettra-t-elle les bouchées doubles pour créer l’Instance provisoire dans des délais raisonnables pour que l’Instance commence à exercer ses prérogatives ? Attendons vivement le retour de vacances des membres de la Constituante.

Troubles à El Hencha la tension persiste

D’abord, une précision : pour qui souhaiterait avoir une idée de l’évolution de la situation à El Hencha, les citoyens sont la seule source disponible d’information. Il n’y pas moyen en effet de trouver la moindre information auprès des autorités régionales qu’elles soient sécuritaires ou politiques car l’on se heurte immanquablement à leur mutisme. C’est la raison pour laquelle, nous n’avons d’autre choix que de rapporter la version unilatérale des faits, celle donnée par les citoyens. Or les témoignages recueillis font état d’une recrudescence de la tension vu la répression policière qualifiée d’excessive, voire même d’intolérable avec son lot de violences physiques, de vexations exercées sans discernement et d’utilisation abusive de bombes lacrymogènes. A titre d’exemple, un médecin raconte qu’il a été intercepté alors qu’il allait se rendre auprès d’une malade, copieusement tabassé et abreuvé d’injures. Outre les personnes blessées ou incommodées par le gaz lacrymogène, le nombre de personnes déférées devant le procureur de la république aurait atteint les 20 citoyens alors que 39 autres citoyens seraient actuellement en détention dans les locaux de la police. Ce nombre serait appelé à augmenter. En effet, d’après les témoignages recueillis auprès de citoyens, El Hencha connaît une nouvelle vague d’arrestations au cours de l’opération de ratissage commencé, hier en début d’après-midi. Sur un autre plan, vu la fermeture spontanée ou forcée des magasins, des boutiques et des boulangeries, vu également la perturbation de l’approvisionnement des commerces, on parle d’une pénurie de lait et de pain à El Hencha. Les interlocuteurs de notre journal pointent un doigt accusateur aux autorités policières et même judiciaires « pour leur partialité et leur soutien manifeste aux citoyens Nahdhaouis ». Nous apprenons qu’un sit-in de protestation auquel prendraient part les associations de la société civile et les sections régionales de la LTDH, à Sfax, sera organisé lundi prochain devant le siège du gouvernorat.

Création d’un réseau d’observation de la justice en transition

Des avocats et des militants de droits de l'homme ont annoncé, mercredi à Tunis, la création d'un réseau d'observation de la justice tunisienne en transition (ROJ). L'objectif du ROJ qui entrera en fonction dès le mois d'octobre prochain, est de contribuer à réformer la justice selon les standards internationaux. La création de ce réseau est initiée par l'Ordre des avocats tunisiens, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme (LTDH) et l'organisation belge ''justice sans frontières'' qui avait ouvert une représentation à Tunis début 2012. Le président de la Ligue des droits de l'Homme (LTDH), Abdessatar Moussa, a indiqué au cours d'une conférence de presse, tenue mercredi à Tunis, que l'ancien régime a laissé derrière lui un système judiciaire marqué par de graves dysfonctionnements dont notamment l'absence d'indépendance, du droit à l'intégrité physique des détenus et du droit à un procès équitable. Il a ajouté que la mise en place d'une justice indépendante constitue la pierre angulaire de l'Etat du droit. Le président de la LTDH a souligné que le dialogue, l'entente et la contribution efficiente de la société civile sont indispensables pour entreprendre une réforme profonde. Il a fait remarquer, à ce propos, qu'en l'état actuel des choses, la volonté politique de faire participer la société civile au projet de réforme de la justice n'est pas perceptible. Quelque 350 mille euros sont alloués au ROJ par l'organisation ''Avocats sans frontières'' pour la période allant de septembre 2012 à novembre 2013. Les magistrats avaient créé, en mai dernier, un observatoire pour l'indépendance de la justice rappelle-t-on.

Réseau d’observation de la justice Tunisienne en transition (ROJ): Un impératif du contexte

Après des cycles de formation des observateurs bénévoles, qui se tiendront du 10 septembre au 10 octobre prochains, l’observation de l’administration de la justice commencera en octobre 2012 et se poursuivra jusqu’à la fin du mois de novembre 2013 La machine à réprimer les voix discordantes durant des décennies est toujours pointée du doigt. En effet, le rendement du système judicaire, malgré la brise de liberté qui a soufflé depuis la révolution, demeure toujours insatisfaisant pour plusieurs observateurs et protagonistes. Ainsi, si la volonté politique de réformer ce système, selon certains, n’est pas aussi ferme, il incombe à la société civile de se positionner en tant que force d’observation, de dénonciation, mais surtout de proposition. Dans ce cadre, l’ONG internationale Avocats sans Frontières (ASF), l’Ordre national des avocats tunisiens (Onat) et la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (Ltdh) ont présenté, hier, lors d’une conférence de presse, le Réseau d’observation de la justice tunisienne en transition (ROJ). «Ce réseau contribue à l’observation des procès, le recueil des informations, l’analyse des données, le partage des résultats avec d’autres acteurs, notamment les autorités publiques, et enfin il propose des recommandations pour la mise à niveau du système judiciaire conforme aux standards internationaux», explique Mme Solène Rougeaux, membre du comité exécutif du ROJ, représentant ASF. Ces missions d’observation seront menées par des observateurs bénévoles, formés dans le cadre de ce projet, qui assureront le suivi des procès. Des victimes et blessés de la révolution aux affaires portant sur la liberté d’expression en passant par le dossier des membres de l’ancien régime ou encore celui des minorités, plusieurs procès figurent sur la liste des priorités du ROJ. Sur un autre plan, plus informel et plus ponctuel, ces bénévoles répondront à d’éventuelles demandes des représentants de la société civile qui pourraient rapporter ce qu’ils rencontrent au fil des jours. « Le ROJ n’est pas une force de dénonciation, mais plutôt de veille pour que la justice tunisienne réponde aux standards internationaux», rappelle-t-elle. Après des cycles de formation des observateurs bénévoles, qui se tiendront du 10 septembre au 10 octobre prochains, l’observation de l’administration de la justice commencera en octobre 2012 et se poursuivra jusqu’à la fin du mois de novembre 2013. Ce projet est financé par l’Institut pour les relations étrangères (IFA) qui gère l’enveloppe allouée par le Bureau fédéral allemand des affaires étrangères et par Open Society Foundation. «Ces fonds sont octroyés à l’organisation internationale ASF et non pas à la Ltdh ou au Barreau», insiste M. Abdessatar Ben Moussa, président du ROJ et de la Ltdh. En d’autres termes, les opérateurs et les travaux de ce réseau échappent à tout agenda extérieur et tout calcul partisan. A cette occasion, M. Ben Moussa n’a cessé de rappeler que la justice est un pilier de l’Etat de droit. D’où, dans cette phase de transition, il est incontournable de perfectionner les dispositifs judiciaires pour mener à bien le processus démocratique. A cet égard, il n’a pas caché ses reproches aux mécanismes mis en place qui n’assurent pas une participation active de la société civile dans la justice transitionnelle. «La légitimité électorale n’est pas suffisante. La participation de la société civile est la clé de voûte de tout projet », martèle-t-il. Dans cette perspective, il invite toutes les associations, notamment celles des magistrats, à adhérer à ce réseau.

Débat sur la Constitution : L’Islam protégé, les droits de l’Homme peuvent attendre…

Huit mois… Si l’on considère que les élus ont réellement commencé à travailler au sein des commissions à partir du mois de janvier 2012, huit mois que ces élus planchent sur la rédaction de la Constitution. A l’issue de ces huit mois, et pour prouver que leurs vacances étaient bien méritées, un « brouillon » de la Constitution a été divulgué au grand public. Ce premier jet, considéré comme un avant-projet, est un assemblage de textes issus de chacune des commissions constitutionnelles. Des experts, élus et société civile se sont réunis, aujourd’hui 22 août 2012, à Tunis pour un débat sur ce sujet, organisé par l’Association tunisienne de droit constitutionnel, marqué par une ambiance studieuse, quelques tensions et indignations, prélude au grand débat qui s’annonce dès la rentrée. Iyadh Ben Achour annonce la couleur d’entrée : Cet avant-projet, s’il présente des points positifs, contient de nombreuses confusions et insuffisances. Il y a une confusion notamment entre la notion de droit et celle de la liberté, et cela dans de nombreux articles. De mêmes, les élus font preuve d’un manque de connaissance et d’expérience, certains articles de ce « brouillon » ne différenciant pas le pouvoir de l’Etat. Ce projet qui nous a été présenté n’est pas un texte juridique, mais un ensemble de textes littéraires qui n’ont pas leur place dans une Constitution, ajoute, en substance, M. Ben Achour. Ce texte n’est ni réaliste, ni précis, il ouvre la porte à de multiples interprétations, comme le prouvent les articles 11 et 28 concernant la famille et la femme. Iyadh Ben Achour prend l’exemple de l’article 28, article qui a fait l’objet d’une forte polémique. Au-delà de la menace pour l’égalité des sexes, cet article, selon lui, n’a aucun sens et aucune logique, mélangeant différents thèmes (famille, patrie) et ne pouvant pas être transposé juridiquement. De même, la garantie des libertés et des droits de l’Homme n’est que très peu évoquée et est noyée dans les multiples références à la protection du sacré. « On se demande s’ils ne sont pas en train d’établir un Etat théocratique plutôt qu’un Etat civil », s’est interrogé Iyadh Ben Achour qui parle d’une dictature religieuse en préparation, « la pire des dictatures », précise-t-il, définissant ce projet de Constitution comme étant contre-révolutionnaire. Les différents experts ont pris la parole, par la suite, mettant l’accent sur les nombreuses lacunes présentes dans l’avant-projet. Ghazi Ghrairi, juriste et ancien porte-parole de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, a affirmé que cette version, telle qu’elle a été présentée au public, est une régression, dans le texte, par rapport à la Constitution de 1959. « Les droits et les obligations sont flous, et n’ont pas été mentionnés de manière claire dans le préambule et les principes fondamentaux », affirme-t-il. « Il n’est pas question d’accepter une Constitution qui garantisse moins les libertés et les droits de l’Homme que la précédente ! » Slim Laghmani, professeur de droit, a évoqué le sujet de la religion qui, d’après lui, est inscrite dans la Constitution de manière négative et subjective. L’article 1, qui n’a fait l’objet ni d’explications, ni de modifications, est un des exemples de cette large possibilité d’interprétation. De même, le préambule évoque des principes d’un Islam modéré, M. Laghmani s’interroge alors sur la nature de ces principes, regrettant le fait qu’ils ne soient pas énoncés. Par ailleurs, l’absence d’égalité, dans les droits, entre tous les citoyens, indépendamment de leurs différences, a fait l’objet de longues analyses. L’article conditionnant la candidature du président de la République a été maintes fois évoqué, limitant ces candidatures à des citoyens tunisiens (sans autre nationalité), d’ascendants Tunisiens, mais qui, surtout, sont dans l’obligation d’être musulmans. « Comment vérifier juridiquement que le président est musulman ? » s’est interrogé un des intervenants. « Le pire est que si le régime parlementaire est adopté, ce sera le Premier ministre qui sera au pouvoir, avec un président honorifique, or le Premier ministre n’est pas tenu d’être musulman, alors que le président l’est, ce qui est aberrant », s’est exclamé M. Laghmani. Cet article, de l’avis de Salwa Hamrouni, contredit le principe d’égalité entre les citoyens, faisant la différence entre les citoyens musulmans et les autres, ou encore les Tunisiens « de souche » et ceux qui sont porteurs d’autres origines ou nationalités. Mme Hamrouni ajoute que l’égalité de tous les citoyens et citoyennes devant la loi, comme le stipule le préambule, ne garantit en rien l’égalité des droits, car la loi peut être inégalitaire. « Pourquoi les élus n’ont pas tenu compte des différentes propositions en faveur de l’inscription de l’égalité claire en droits et devoirs entre tous les citoyens ? Était-ce volontaire ? », regrette t-elle. Les intervenants se sont en outre interrogés sur la nécessité d’inscrire « l’atteinte au sacré » dans la Constitution, alors que ce point ne concernerait que le Code pénal. L’absence de définition de ce que serait cette atteinte au sacré est, de l’avis de Slim Laghmani et Salsabil Klibi, un danger pour la liberté de création et d’expression et de conscience et ne prend pas en compte les principes fondamentaux des droits de l’Homme. « Il est question de criminaliser l’atteinte au sacré, mais on ne sait pas qui le ferait, l’Etat ou le droit ? Par décret ou par une loi ? La liberté ne peut être limitée que si l’absence de limites représente un danger pour les autres. Or dans ce projet de Constitution, le danger est de limiter les libertés sans raison valable », précise Mme Klibi. En ce sens et concernant les traités internationaux ratifiés par la Tunisie, l’avant-projet de la Constitution prévoit que ces traités ne soient applicables que s’ils ne contredisent pas la présente Constitution. Les discussions sur le sujet ont mis l’accent sur l’aberration d’une telle clause, car ratifier ces traités et conditionner leur application, en aval, au droit tunisien, n’a pas de sens. Les débats du jour ont également intégré le point de vue des élus, dont plusieurs étaient présents dans la salle. Nous citerons, entre autres, Mustapha Ben Jaâfar, Fadhel Moussa, Lobna Jeribi, Khemais Ksila, mais également des élus d’Ennahdha, Zied Laâdhari et Sonia Toumia. Si M. Ben Jaâfar a refusé de prendre la parole, Fadhel Moussa et Lobna Jeribi ont salué l’initiative et rappelé que le projet présenté n’est qu’un brouillon qui fera l’objet de nombreuses modifications. Lobna Jeribi a demandé, en ce sens, aux experts et à la société civile de faire part de leurs remarques et propositions, afin de donner au texte une dimension plus juridique et d’en limiter les incohérences. « Nous avons demandé à ce que des experts soient présents lors des commissions pour nous aider à la rédaction des articles, mais cela a été refusé par l’autre camp majoritaire », affirme-t-elle. Zied Laâdhari a, quant à lui, justifié l’inscription de l’atteinte au sacré dans la Constitution, la comparant au négationnisme. Sonia Toumia, s’est fendue, pour sa part, d’une longue diatribe condamnant ce qui a été dit lors de ces débats. L’élue d’Ennahdha qui s’était distinguée, récemment, à l’Assemblée constituante, en demandant que l’eau soit rétablie pour que les Tunisiens puissent se « marier » décemment, s’est indignée du fait que les juristes parlent de régression, en parlant du projet de Constitution. Elle a également nié les lacunes de ce projet dues à l’absence de concertation avec des experts et affirmé que l’assemblée, présente ce jour, a mal compris l’article 28 concernant la femme. « Si nous voulions dire que la femme est complémentaire de l’homme, cela voudrait dire que l’homme est incomplet, or ce n’est pas le cas. Cet article est une avancée pour la femme, et puis qu’est-ce que la famille sans la femme ? Et qu’est-ce que la femme sans l’homme ? Vous avez mal compris ! », a t-elle « crié », en substance, jusqu’à ce qu’il lui a été demandé de baisser le ton et le flot de ses paroles afin que les traducteurs (qui faisaient la traduction simultanée en français et en anglais) puissent suivre la cadence. Ghazi Ghraïri lui répondra, par la suite, qu’une Constitution n’est pas dans l’intention de ses auteurs, mais dans la clarté de ce qui est énoncé, et que si certains députés ne considèrent pas ce projet comme une régression, car cela n’était pas leur intention, le texte lui n’est pas suffisamment clair et constitue, dans les faits, une régression par rapport à la constitution de 1959. « C’est pour cela que nous faisons ce travail critique, pour que l’esprit et le texte se rejoignent et ne prêtent pas à confusion, afin de pouvoir améliorer ce projet », précise-t-il à l’attention de la Constituante. D’autres points négatifs ont été relevés lors de la séance, par différents intervenants, concernant notamment la primauté du droit de la famille sur les droits individuels, les lacunes présentes dans les articles consacrés aux droits des enfants, la protection de la religion au détriment des droits individuels, le danger pour le droit des femmes, les instances constitutionnelles, le pouvoir judiciaire et son indépendance, etc. Ce premier débat sur le brouillon de la Constitution a permis de révéler les insuffisances de ce projet et les dangers qu’il présente. L’Islam est ressenti comme le sujet principal d’une Constitution qui pourrait ouvrir la porte à une dictature théocratique et ne répond pas aux aspirations de liberté et de dignité, valeurs de la « révolution ». Un premier débat qui en annonce d’autres et une rentrée qui risque d’être tendue au Bardo, à l’intérieur du Palais comme à l’extérieur…

Les militaires en Tunisie ne sont pas «au-dessus de la critique», estime Radhia Nasraoui

«L’institution militaire en Tunisie n’est ni sacrée, ni au-dessus de la critique», a estimé l’avocate et militante des droits de l’homme Radhia Nasraoui. Mme Nasraoui a fait cette déclaration, mercredi, avant le démarrage de la séance d’interrogatoire de Ayoub Massoudi, ancien conseiller du président de la république provisoire, au tribunal de première instance militaire de Tunis. Le procès Massoudi est une «atteinte à la liberté d’expression» L’avocate de la défense de Massoudi, poursuivi à la suite d’une plainte en justice du ministère de la Défense nationale, a ajouté que le procès de son client «n’aurait pas dû être présenté aux tribunaux et qu’il aurait suffi pour la victime des déclarations de Massaoudi de répondre aux accusations». Elle a, en outre, indiqué que l'affaire est devenue, principalement, une affaire d’«atteinte à la liberté d’expression», insistant sur la nécessité de réviser et d’amender les articles sur la base desquels ont été retenues les accusations contre son client. Devant les protestations d'une cinquantaine de personnes parmi les représentants de la société civile et des citoyens venus soutenir Massoudi, Me Nasraoui a émis le souhait de voir cette affaire «s’arrêter à ce stade là ou être déférée devant la justice civile et non militaire qui, dans cette affaire, ne peut pas être neutre, puisque le ministère de la Défense est la partie plaignante.» La justice militaire ne peut être juge et partie Emna Guellali, la directrice du bureau de Tunis de l’Ong internationale Human Rights Watch, a indiqué, de son côté, à l’agence Tap, que lebureau a rendu public, mercredi, un communiqué dans lequel il dénonce le jugement de Ayoub Massoudi et demande de revenir sur les accusations qui lui sont adressées. Elle a souligné que pareils procès «ne sont pas du ressort de la justice militaire et que le tribunal militaire n’a pas le droit d’arrêter un civil». Mme Guellali estime, par ailleurs, que les hautes personnalités politiques sont, la plupart du temps, victimes de critiques des citoyens, ce qui est naturel pour des pays qui aspirent à consacrer la démocratie.

L’ONU s’inquiète d’une régression du droit des femmes et alerte le gouvernement

Alors que les femmes tunisiennes sont descendues dans la rue ces dernières semaines pour garantir leurs droits, elles viennent de recevoir un soutien de poids. L’ONU a alerté le gouvernement au sujet de la future Constitution dans laquelle la femme pourrait être définie comme "complémentaire" à l’homme, et non plus "égale". Les multiples attaques des salafistes ces dernières semaines n’ont certainement pas contribué à rassurer les experts de l’ONU chargés d'évaluer la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et la pratique. Ceux-ci viennent, dans un communiqué du 21 août, de s’inquiéter de l’attitude du gouvernement tunisien et notamment de son projet de Constitution. « Le Groupe de travail s'inquiète du fait que, dans le cadre de la rédaction d'une nouvelle Constitution, en particulier son article 28, les gains en matière d'égalité et de droits fondamentaux des femmes ainsi que le statut des femmes dans la société acquis au cours des cinq dernières décades risquent de subir une rétrogression », a déclaré Kamala Chandrakirana, à la tête du groupe d’experts. Un coup d’arrêt à l’autonomisation de la femme L’article 28 en question prévoit de délimiter le rôle de la femme comme étant « complémentaire à celui de l’homme dans la famille ». Une situation qui ne permet pas « d'établir les bases d'une pleine indépendance et d’une autonomisation des femmes, ainsi que leur participation en tant que citoyennes actives pour le changement », a également expliqué Kamala Chandrakirana. Pour cette dernière, le gouvernement tunisien doit saisir les opportunités de consolidation des droits fondamentaux des femmes développées pendant près d'un siècle et récemment mis en lumière par le Printemps arabe. « Alors que les gouvernements changent, les obligations internationales relatives aux droits de l'homme restent contraignantes », a-t-elle encore expliqué. Une femme indéfinie Le Gouvernement de la Tunisie a accepté une visite de cinq experts indépendants dans le pays en novembre prochain. Il avait dû faire face, ces dernières semaines, à une mobilisation citoyenne dans la rue et sur les réseaux sociaux, réclamant l’abandon de l’article 28 en préparation. Une pétition a même été lancée, qui a recueilli plus de 26 000 signataires à ce jour. Celle-ci explique que la formulation du texte « suppose que l’homme est défini en soi, et que la femme vient compléter le rôle qu’il ne peut ou ne veut remplir. »

Haro sur le projet de Constitution «Adieu à la liberté si le projet passait», crie Iyadh Ben Achour

« On est en train de construire un Etat civil ou religieux ! », s’est exclamé Iyadh Ben Achour, doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et Président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution et de la réforme, lors d’une table ronde organisée mercredi, 22 août, 2012, à Tunis, sous le thème « Première lecture de l’avant-projet de constitution ». La mouvance terroriste (salafiste) qui légitime la violence pour imposer la religion « est une atteinte à la liberté artistique, littéraire, poétique et philosophique », a expliqué Ben Achour en soulignant qu’il s’agit, à ce stade, d’une contre-révolution qui ouvre les portes à une dictature théocrate, ce qui est contradictoire avec la Révolution du peuple tunisien, qui a appelé à un Etat civil et « pas à un autre chose », a-t-il ajouté. Lors de cette table ronde organisée par l’Association tunisienne de droit constitutionnel, et Democracy Reporting International, Iyadh Ben Achour, a fait savoir, également, que le plus grave dans l’avant projet de la constitution est la censure de la liberté intellectuelle à travers l’incrimination de l’atteinte aux sacrés, « Adieu à la liberté si le texte de la loi sera approuvé par l’Assemblée constituante », a indiqué le doyen Ben Achour en citant l’exemple de l’affaire de « Persepolis» ou «le Palais d'El Ibdilia» de la Marsa. Iyadh Ben Achour a fait savoir, en outre, que plusieurs lacunes existent dans l’avant projet de la constitution. D’ailleurs, une confusion entre les principes fondamentaux, les droits et les libertés a été fortement critiquée, « Il y a des articles qui n’ont aucun rapport avec les principes ». Le professionnel de droit constitutionnel qu’est Ben Achour, a aussi estimé que les textes ont été rédigés d’une manière traditionnelle. Il a ainsi critiqué l’absence d’un style juridique dans la rédaction de certains décrets de loi, indiquant que « ce qu’a été vraiment utilisé c’est le style littéraire (On va travailler à …, on va faire…, on va essayer de…), ce qui ne mènera pas à des résultats concrets. Par contre, cela peut ouvrir les portes à différentes interprétations. « Se sont des articles qui sont basés uniquement sur des reformulations théoriques et qui ne reflètent pas la réalité de la Révolution », s’est ainsi indigné Iyadh Ben Achour, avant d’asséner que «malheureusement, ont est tombé dans l’imitation et la dépendance de la Constitution de 1959» en guise d’avertissement à la Constituante. Ben Achour n’a pas aussi caché l’existence des fautes qui, selon lui, sont « très bizarres » dans la rédaction des textes de l’avant-projet de Constitution. Ajoutons à cela, un manque de connaissance et d’expérience au niveau de loi principale. Iyadh Ben Achour, s’est aussi laissé aller à la critique, parfois acerbe, de la pratique du pouvoir par les autorités tunisiennes en place, en estimant que «le non révélation des salaires et des avantages des ministres, du chef du gouvernement, du président et des membres de l’ANC et tous les responsables de l’Etat est un premier pas vers la corruption et la malversation». Selon lui, «le début de la corruption commence avec le non divulgation des salaires ». Ben Achour a d’ailleurs recommandé d’intégrer un décret loi appelant à divulguer les salaires et tous les avantages octroyés à tous les responsables, dans l’objectif de préserver l’argent public.

Gouvernement et société civile en Tunisie: un dialogue des sourds?

Les Ong tunisiennes doivent passer du statut de forces d’opposition ou de satellites du pouvoir en place à celui de forces de propositions et d’alternatives. C’est ainsi que la Tunisie de demain sera mieux faite. La construction d’une société démocratique suppose la mise en place de certains mécanismes de fonctionnement de l’appareil d’Etat qui doit se mettre au service de la société et non l’inverse, comme cela s’est passé durant plus d’un demi siècle chez nous. Une des manifestations de ce revirement de situation est l’interaction entre les propositions de la société civile et les gouvernants. Il est clair qu’un des principaux acquis de la révolution du 14 janvier 2011 est la liberté de s’organiser en association (ou Ong), d’où le nombre – encore en accroissement – de plus en plus important d’associations traitant des thématiques les plus diverses. Apprendre à vivre avec l’autre Les quelques consultations qui ont été faites entre des membres du gouvernement et les associations, notamment en ce qui concerne les projets de développement régionaux, se sont déroulées dans un climat de tension et se sont soldées parfois par des échauffourées, voire même interrompus. Ces faits soulignent un point important dans nos attitudes les uns envers les autres. Chacun croit posséder «la» vérité, et ne se trouve pas prêt pour écouter ceux qui pensent différemment ou vont à l’encontre de ses thèses. Ainsi, va-t-il de tous les «démocrates» de ce pays: chacun se prétend ainsi et veut bien que tout le monde suive ses idées et pratiques! Honnêtement, nous avons tous vécu dans un climat d’autoritarisme, et avons toujours subi, de gré ou de force, les décisions «faites pour nous». Ceux qui auraient protesté seraient flagellés ou, pire, condamnés au silence… Comme nous vivons une nouvelle période historique, nous apprenons chacun de son côté à vivre avec l’autre, mais avec toutes les tares héritées d’un passé proche, et que nous pouvons résumer en les points suivants: 1- nous n’avons pas encore créé d’espaces de dialogue où divers protagonistes peuvent présenter leurs idées sans risque d’être interrompus ou, pire, tabassés. La culture démocratique, dans le sens du respect de l’autre et du dialogue serein, a encore du temps pour faire partie de nos mœurs sociales et politiques; 2- le nouveau tissu associatif peine à émerger, simplement parce qu’il manque de moyens d’action et de traditions, et constituer ainsi un cadre d’acculturation, de formation et d’initiation à la coexistence pacifique de différents courants d’idées ou de points de vue; 3- les partis politiques qui devraient former leurs militants de base ou cadres n’assurent pas cette mission, pour de multiples raisons dont l’absence de l’idée de formation ou même de programme fédérateur. Ces activités internes initient les membres au débat, à la réflexion et à l’argumentation dans leurs rapports aux citoyens; 4- les différentes familles politiques n’ont pas encore initié de dialogue entre elles en dehors, bien sûr, de celles qui sont très proches les unes des autres. En conséquent, nos concitoyens ne se sont pas encore habitués à voir des personnes à profils très différents et discutant sereinement ensemble; 5 - finalement, les discussions et débats médiatisés ne se sont pas encore orientés vers la confrontation d’idées sur des questions concrètes ou aussi sur les tendances actuelles du gouvernement et de la constituante en vue de procéder aux réformes nécessaires de l’appareil d’Etat afin de rassurer nos concitoyens sur leur avenir, sachant que ce dernier point ne peut être unilatéralement décidé, car aucune structure politique ne peut assumer à elle seule les conséquences d’échecs éventuels de ses choix. Elle ne peut pas également les imposer à la société, simplement parce que cette dernière ne laisse pas faire et réagira chaque fois où elle sent que ses intérêts ou ses acquis ne seraient pas garantis ou renforcés. Le gouvernement a tendance à ignorer la société civile La société civile suit de près la politique gouvernementale et présente –globalement – deux types de réactions par rapport à ce qui se passe dans le pays : - une attitude très critique envers la politique prônée par les autorités en place, en raison du fait que les réponses mises en place sont très en-deçà des attentes ; - une réponse très positive concernant les besoins éprouvés par une partie de la population, surtout en période de détresse (réfugiés libyens, inondations, vague de froid…). Les autorités acceptent mal le premier type de positionnement, car le gouvernement actuel sent qu’il fournit beaucoup d’efforts pour répondre aux besoins de la société et qu’il a plutôt besoin du soutien de la société civile que du contraire. Les réactions de cette dernière sont alors qualifiées de «négatives» et que ses prises de position n’arrangent en rien la situation, mais la compliquent davantage. Cette attitude de suspicion de la société civile n’est pas nouvelle, mais relève d’une réaction classique de toute autorité. Le gouvernement a donc tendance à ignorer la société civile, voulant par là dire que le pouvoir de décision revient toujours aux politiques, et non aux associations. On a toujours essayé, en Tunisie, de définir le rôle de la société civile comme soutien aux politiques gouvernementales et l’on n’a jamais accepté qu’elle assure un rôle de contre-pouvoir. Ce genre d’attitude semble perdurer dans les mêmes sphères, même si certains ont tendance à la réfuter. L’on a l’impression que les autorités s’attendent à ce que les associations prennent en charge une partie des problèmes du développement du pays. On voit clairement qu’aucun projet gouvernemental n’a été délégué à une association. Pire, nous ne savons pas si une partie des budgets alloués aux différents ministères sont destinés aux associations, afin que ces dernières réalisent des projets concrets en faveur de la population. Les Ong comme force de propositions et d’alternatives Ce dernier point est d’une importance capitale dans les politiques actuelles ou futures en Tunisie. En effet, si un soutien financier public n’est pas apporté aux associations, ces dernières se trouveront dans l’obligation de rechercher des financements non nationaux, avec tous les risques que cela comprend. Ceux qui refuseraient l’argent étranger se verraient condamnés à l’inaction quelles que soient leurs bonnes volontés! Il est donc impératif que les autorités nationales accordent des fonds aux associations, afin que ces dernières arrivent à bouger sur le terrain et apportent des solutions aux problèmes auxquels ils s’attaquent. Remarquons qu’il est judicieux de la part des politiques de financer des associations pour chercher des solutions inédites à des problèmes difficiles à résoudre. Les Ong ont la capacité ingénieuse de trouver des solutions peu coûteuses et efficaces à des problèmes étriqués d’environnement ou de développement. Il suffit de regarder ailleurs (Afrique subsaharienne, Asie, Amérique latine) pour s’en convaincre. Le système clientéliste ayant prévalu dans le financement des associations ne peut plus perdurer, et les autorités publiques ne peuvent en aucun cas entretenir ce système ou le perfectionner davantage. La gestion de l’argent public doit se faire dans la transparence, et tout abus se doit d’être démasqué et porté à la connaissance du public. Fini également le temps où les associations étaient considérées comme antichambres du pouvoir. Nombreux présidents d’associations – indétrônables – comme leurs maîtres au pouvoir, rêvant d’accéder un jour à un poste de responsabilité de premier plan. Les Ong reprennent leur noble mission, à savoir qu’elles sont les porte-voix de ceux qui n’en ont pas, et regroupent des gens animés par la volonté de contribuer au développement du pays et de ses citoyens… Si actuellement, les autorités ignorent les protestations de la société civile et n’accordent aucun crédit à leurs revendications, c’est qu’elles se trouvent dans l’erreur et paieraient cher cette attitude doublement irresponsable et même suicidaire. Un seul mot, pour les Ong nationales: la bonne volonté à elle seule ne suffit pas pour faire avancer sur la voie du développement du pays, surtout que les problèmes confrontés sont le plus souvent complexes et appellent des démarches innovantes. Le passage à l’action par la mise en place de projets visant à améliorer la qualité de la vie de nos concitoyens est impératif, moyennant une formation de leurs cadres afin de bien monter des dossiers et les mettre par la suite en pratique. La société civile a toujours été une force d’opposition pour défendre l’intérêt général. Il est temps pour que les associations tunisiennes se transforment en force de propositions et d’alternatives; c’est ainsi que la Tunisie de demain sera mieux faite.