lundi , 27 mars 2023
Home / page 120

Blog Archives

Selon Amnesty International Tunisie, l’état de la justice tunisienne est inquiétant

Dans une interview accordée, samedi 19 janvier, à Mosaïque Fm, Lotfi Azouz, directeur exécutif de l’Organisation Amnesty international en Tunisie est revenu sur l’état des prisons tunisiennes et les conditions d’incarcération. Selon M. Azouz, le milieu carcéral connaît une surpopulation due, essentiellement, aux incendies pendant la révolution de nombre de prisons. Le responsable d’Amnesty international a insisté sur la nécessité de faire évoluer les conditions d’emprisonnement et les législations qui les régissent. Il fait état de plusieurs cas de mauvais traitements, mais précise que l’existence de torture, dans nos prisons, reste controversée. Lotfi Azouz a, par ailleurs, ajouté que l’état de la justice en Tunisie est inquiétant puisque celle-ci n’est toujours pas indépendante, citant, à titre d’exemple, l’absence de rigueur dans le cadre de l’émission de décisions de justice relatives à la détention ou à la libération.

Signature d’un accord entre le ministère des Droits de l’Homme et le centre pour la justice transitionnelle

Samir Dilou, ministre des Droits de l'homme a annoncé sur les ondes de Shems Fm, ce mardi 16 janvier qu'un accord a été signé entre son ministère et le centre de pour Justice transitionnelle. Il a affirmé l'engagement du Centre pour la Justice transitionnelle de fournir un ensemble d'expériences dans le domaine technique aux cadres du ministère et qui concernent principalement les domaines de la justice transitionnelle et la réforme des institutions et de la justice pénale.

Human Rights Watch : Les juges révoqués devraient avoir accès à leur dossier

Le ministère tunisien de la Justice n’a pas répondu aux requêtes formulées pour consulter les dossiers concernant la révocation de 75 juges en mai 2012. Ces magistrats devraient pouvoir être entendus de façon équitable et avoir accès à leurs propres dossiers d’accusation, afin qu’ils puissent connaître le raisonnement suivi pour les limoger et préparer une procédure d’appel adéquate, selon un communiqué d’Human Rights Watch, daté du 15 janvier 2013. Dans une lettre du 20 décembre 2012, Human Rights Watch a réitéré la requête qu’elle avait exprimée le 3 décembre, lorsqu’elle avait rencontré Noureddine Bhiri, ministre de la Justice, pour évoquer ce problème. Dans sa lettre, Human Rights Watch demandait accès aux dossiers de ces affaires, forte du consentement écrit de dix des juges révoqués. Les magistrats avaient déclaré qu’on les empêchait de consulter leur dossier et que par conséquent, ils ne connaissaient pas les motifs de leur révocation et ne pouvaient pas faire appel efficacement de cette décision. Pourtant, en plus de trois semaines, le ministère de la Justice n’a donné aucune réponse à la lettre. «Le manque de transparence dans la révocation des juges met à mal une composante essentielle de l’indépendance judiciaire», a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Les mesures disciplinaires devraient être prises à la fois dans la transparence et avec une possibilité de recours». En se basant sur ses entretiens avec ces dix juges révoqués, Human Rights Watch a conclu que la décision prise par l’exécutif de révoquer les 75 magistrats était injuste et arbitraire. Les juges limogés ont décrit à Human Rights Watch des procédés disciplinaires iniques, au sein du ministère de la Justice, qui ignoraient les critères fondamentaux d’équité et de transparence et violaient les normes internationales pour protéger l’indépendance de la justice. Ce qui apparaissait au départ comme une atteinte du droit des juges à une audition équitable est aggravé par le manque de transparence du ministère et par ses refus de donner accès aux dossiers de ces affaires, qui sont censés contenir des preuves des fautes présumées. En outre, au moins deux des juges ont déclaré qu’en juillet 2012, ils avaient envoyé des courriers au ministère de la Justice pour solliciter le compte-rendu de leur audition par une commission interne composée de cinq inspecteurs du ministère, ainsi que les preuves en possession du ministère. Ils n’ont reçu aucune réponse. «Même s’il est censé de scruter le passé de magistrats ayant siégé pendant l’ancien régime, le fait que le ministère de la Justice révoque ces juges arbitrairement et sans fournir de preuves contre eux est un coup porté à l’encontre de l’indépendance de la justice, et non pas en sa faveur», a conclu M. Goldstein.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) préoccupés quant à l’instrumentalisation de la justice tunisienne

La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH) ont exprimé, dans un communiqué daté du mardi 15 janvier 2013, leurs préoccupations face aux abus constatés dans plusieurs procédures judiciaires devant la justice militaire et civile tunisienne, faisant craindre une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Ces dérives portent un coup à des libertés fondamentales, telles que la liberté d’expression, essentielles au bon fonctionnement de la démocratie tunisienne. Les deux organisations pointent du doigt particulièrement deux affaires, celles d’Ayoub Messaoudi et celle de Sami Fehri. Le 4 janvier dernier, la Cour d’appel militaire de Tunis a décidé de confirmer la condamnation de Ayoub Messaoudi, ancien conseiller du président tunisien Moncef Marzouki chargé de l’information, et d’alourdir sa peine à 12 mois de prison avec sursis. Il a été condamné pour avoir porté atteinte à la dignité et la renommée de l’armée tunisienne et pour avoir diffamé un fonctionnaire public, d’après le code de justice militaire et le code pénal tunisiens. Les avocats de M. Messaoudi se sont pourvus en cassation. «Cette décision de la Cour d’appel militaire de Tunis à l’encontre d’Ayoub Messaoudi cautionne l’atteinte portée à la liberté d’expression et au débat démocratique», a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. «Le simple fait qu’un civil est poursuivi devant un tribunal militaire viole le droit à un procès équitable. La législation tunisienne devrait être modifiée afin de restreindre la compétence des tribunaux militaires aux infractions commises par les forces armées», a-t-elle ajouté. Le 3 janvier dernier, la chambre d’accusation du tribunal de première instance de Tunis a décidé de maintenir en détention provisoire Sami Fehri, producteur de télévision et PDG de la chaîne privée Ettounsiya TV, poursuivi pour complicité dans une affaire de corruption et de malversations de sa société de production «Cactus Production», remontant à l’époque du président déchu Ben Ali. Cette décision intervient alors que le 28 novembre 2012, la Cour de cassation tunisienne cassait la décision de mise en examen et ordonnait la libération de Fehri, ce qui n’a jamais été mis en œuvre. Fehri, poursuivi en tant que complice, est le seul à être détenu dans cette affaire depuis août 2012, date coïncidant avec l’arrêt de l’émission «Logique politique», émission satirique passant sur Ettounsiya TV, souvent critique du gouvernement en place. «Ces irrégularités et péripéties judiciaires dans l’affaire de Sami Fehri ne témoignent pas d’une bonne santé de la justice tunisienne», a déclaré Michel Tubiana, Président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme. «Bien que nous puissions louer la volonté d’enquêter sur les affaires de corruption durant le régime Ben Ali, nous ne pouvons que condamner le non respect de décisions de justice et questionner les raisons de cet acharnement judiciaire dont il semble faire l’objet», a-t-il ajouté. La FIDH et le REMDH appellent les autorités tunisiennes à respecter la liberté d’expression et à œuvrer à une justice indépendante et respectueuse des garanties du droit à un procès équitable, éléments essentiels d’une démocratie saine.

Sécurité et armée dans le brouillon de la Constitution: Inquiétudes de la société civile; risque de légalisation des milices armées !

De par son importance puisque les futures fondements de la 2ème République en dépendent, le brouillon de la Constitution continue à alimenter les débats et susciter controverses et appréhensions. La question de l’éventuelle privatisation, fut-elle partielle de l’action de protection de la sécurité des citoyens est posée. L’article 95 est exaplicite et stipule que seul l’Etat crée des forces armées et des forces de sécurité. Il n’est pas permis de constituer parallèlement des forces de sécurité ou d’armées supplétives non soumises à l’autorité de l’armée nationale ou la sécurité, sauf dans le cadre de la loi. Ainsi cet article laisse la porte ouverte à la constitution de groupes armés « conformément à la loi ». C’est ce qui a suscité des réactions négatives de la part de la société civile et des partis politiques. Lotfi Azzouz, Directeur exécutif d’Amnesty international se réfère au Droit international et pense que les restrictions ne doivent pas être laissées à la loi. Il s’élève contre la gravité de privatiser la sécurité. « Seul l’Etat détient le pouvoir et se porte garant de la sécurité des citoyens et jamais d’autres structures », dit-il. Il rappelle que des gardes de corps peuvent exister. Dans les pays démocratiques il y a des détectives privés. C’est très organisé. Il ajoute qu’il fallait mentionner dans le projet de Constitution que « les forces de sécurité sont neutres et qu’elles opèrent conformément aux lois des régimes démocratiques ». Il déplore que le brouillon de Constitution n’ait pas mentionné l’universalité des Droits de l’Homme et la supériorité des conventions internationales. « L’institution sécuritaire doit assumer ses responsabilités conformément aux conventions internationales et rendre compte des éventuels dépassements des Droits de l’Homme». Me Bochra Belhaj Hmida, membre du bureau exécutif de Nida Tounès, considère que l’article 95 est très grave. « Il suppose qu’on peut concevoir une loi qui autorise la formation de groupes privés armés », dit-elle. Elle ne connait pas les dessous de cet article. « Vu ce qui se passe, nous avons le droit de nous poser des questions sur les intentions et desseins des auteurs de l’article. Cela laisse la porte ouverte à toutes les interprétations y compris de légiférer dans l’avenir pour que des groupes armés puissent être constitués ». Mohamed Kilani, secrétaire général du Parti Socialiste (PS), n’y va pas du dos de la cuillère. « Ce paragraphe prépare la légalisation des milices et des groupes paramilitaires. C’est très grave. La vente des armes deviendra légale. Un parti politique en mesure de s’armer règlera ses affaires. On dirait qu’on se prépare pour la guerre civile. C’est très dangereux. On est en train de préparer un misérable avenir pour le pays. C’est catastrophique ». Il prévient que d’autres choses plus graves viendront. Le pire est à envisager Tahar Hmila membre indépendant de la Constituante confirme que cet article sera soumis à la révision et aux débats. « Une profonde révision touchera le premier brouillon de la Constitution qui a été préparé lorsqu’Ennahdha exerçait une forte hégémonie. Aujourd’hui, la pression d’Ennahdha a perdu de sa vigueur. Beaucoup de choses seront revues. Les rapports de force ont changé. Personnellement, je considère que l’institution militaire est au dessus des partis. Elle protège la légitimité des urnes et prémunit la Patrie contre les agressions étrangères. Sans l’armée qui a gardé ses distances, en restant à l’écart des tiraillements politiques, sans l’esprit patriotique du ministre de la Défense nationale et du Commandant supérieur des armées, la Tunisie serait devenue une deuxième Somalie. Il faut sauvegarder cet acquis. On ne peut avoir de structures de sécurité en dehors de la légitimité que ce soit pour l’armée ou la sécurité nationale. Les structures privées n’ont pas de place. Jamais la sécurité ne doit être confiée aux mains du privé ». Intervenant sur les ondes de ShemsFM, Me Abdelad Djobbi avait mis en relief son inquiétude pour le fait que la Constitution tunisienne puisse permettre l’existence de milices armées. Il a précisé qu’évoquer l’idée de l’existence de milices armées en dehors du cadre de la police et de l’armée est injustifiable.

Réforme sécuritaire: La question de tous les temps

Cela fait deux ans que l’on parle plus souvent de la nécessaire réforme sécuritaire. Toute la société tunisienne est convaincue que le nouveau rapport citoyen-agent de l’ordre doit être sérieusement établi sur la responsabilité et le capital-confiance. Cela est évident, mais en réalité rien n’a été signalé en matière de stratégie et de restructuration aussi bien institutionnelle que législative. Au point que plusieurs parmi les professionnels du secteur considèrent ce projet de réforme comme un chantier interminable, vu sa complexité et l’absence d’une politique efficace pour le mettre sur les rails. Et pas plus tard qu’hier, M. Saïd Mechichi, secrétaire d’Etat auprès de ministre de l’Intérieur chargé de la Réforme, l’a révélé ouvertement lors des travaux de la conférence tenue, hier matin, au club des forces de l’ordre à La Soukra, sur le thème «La sécurité, responsabilité de tous : une vision prospective». «Il est question d’entraves et de handicaps qui ont freiné l’avancement de ce projet et retardé, de ce fait, les procédures de réformes sécuritaires…», a-t-il indiqué. Il a fait état des conditions préalables dont il faut tenir compte pour renforcer les capacités matérielles et professionnelles des ressources humaines et améliorer, de la sorte, les atouts opérationnels des agents de l’ordre. Et de poursuivre que la réforme de la police est telle qu’elle suscite l’unanimité de toutes les parties intervenantes, en tant que priorité tout comme la justice et les médias dont la responsabilité devrait être partagée. Que la réforme soit participative et que l’institution sécuritaire se distingue par son indépendance et sa neutralité, loin des instrumentalisations politiciennes. Image en «déficit chronique» Car, réformer cet appareil, c’est restaurer son image jugée «en déficit chronique». Une image écornée sous le joug du régime déchu qui n’a jamais cessé de mettre tout à son service. C’est pourquoi, aujourd’hui, la question de la formation s’avère de mise dans le processus de réforme sécuritaire, comme l’a montré M. Riadh Ben Latif, directeur général de la formation. «D’ailleurs, l’on a adopté un nouveau mode de formation depuis le recrutement», souligne-t-il. Cet esprit de changement touche les différentes phases d’intégration, au niveau de la réception des dossiers, de sélection des candidats jusqu’à leur admission. Un changement de fond en comble que l’on peut percevoir sur le plan du contenu des programmes, leur durée et sur la forme de l’encadrement dispensé au profit des agents. De son côté, M. Mohamed Lassâad Dorboz, président du conseil de la mutuelle des fonctionnaires de la sûreté nationale, des établissements pénitentiaires et de rééducation, a parlé des motivations de la réforme. Afin d’aller de l’avant, il faut connaître les faiblesses du système sécuritaire. Le regard négatif à l’égard du policier, les carences des capacités opérationnelles des unités, l’absence d’une vision prospective et analytique, surtout en matière de renseignement, et les limites des ressources humaines et matérielles sont autant de points critiques à réviser. Sans pour autant oublier que le sens de la communication à l’intérieur et à l’extérieur du dispositif de sécurité est presque en panne, ce qui incite à tout prendre en considération. Il a ajouté, dans ce contexte, que l’opération de réforme qui doit commencer de l’intérieur de l’entreprise, avec pour fondement trois ensembles des principes fédérateurs, à savoir légalité, légitimité et équité, efficacité et efficience, et neutralité et impartialité. Cela, estime-t-il, ne pourra se réaliser sans la rectification des points faibles précités. «Sécurité et démocratie», une relation dialectique de fond que l’expert auprès du centre de Genève en la matière, M. Haykel Mahfoudh, a développée dans une lecture critique, avec pour mot d’ordre une institution de sécurité démocratisée soumise au contrôle démocratique. Selon lui, le droit à la différence et le droit au choix sont la pierre angulaire de la démocratie. C’est là une philosophie qui doit puiser son essence dans la pratique à travers l’adoption d’un comportement démocratique et de bonne gouvernance basé sur le respect des droits de l’Homme et la transparence. Et comme la sécurité s’impose en tant que besoin vital et catalyseur de développement social et économique, la réussite de la réforme dans ce domaine est tributaire d’une responsabilité collective qui engage toutes les composantes de la société civile. Un avis partagé par M. Abdessattar Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (Ltdh).

Justice transitionnelle «2013 doit être l’année de démarrage du processus de la justice transitionnelle»

Depuis la chute du régime policier de Ben Ali, le concept de justice transitionnelle a commencé à émerger et à se «démocratiser», portant avec lui l’espoir de milliers, voire de millions de gens (les statistiques étant complètement absentes) qui ont subi les foudres des deux régimes dictatoriaux, parce qu’ils ont osé, de façon parfois inconsciente, sortir du cadre tracé par les architectes de la répression. Deux ans après, l’impatience de ces victimes se fait de plus en plus sentir, c’est ce qu’affirme Kamel Gharbi dans une conférence de presse organisée hier par le réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt) dont il est le président et porte-parole. «Les Tunisiens ont suffisamment attendu l’activation de la justice transitionnelle, il faut donc que l’année 2013 soit l’année du véritable démarrage du processus de justice transitionnelle», déclare-t-il. Sortir des débats théoriques et académiques autour de la question de la justice transitionnelle, replacer la victime au cœur du processus, et placer de côté tout clivage idéologique dans le traitement de ce processus, ont été des éléments sur lesquels ont insisté les différents intervenants au cours de cette conférence de presse. Rappelons que le Rtjt, qui regroupe 13 associations, a participé aux côtés d’autres acteurs aux travaux de la commission technique ayant accouché d’un projet de loi sur la justice transitionnelle prévoyant notamment la création d’une instance indépendante, baptisée «comité de la vérité et de la dignité». «La commission technique a réuni différentes associations, ayant clairement des tendances politiques divergentes et ont, par le dialogue, abouti à l’élaboration d’un projet de loi sur la justice transitionnelle, nous espérons que l’ANC, dans le traitement de ce projet de loi, se montrera tout aussi mature que nous l’avons été», appelle Kamel Gharbi. Dans une anticipation intelligente et somme toute plausible, il met en garde les 13 membres qui composerons le comité «vérité et dignité» contre d’éventuels pressions et tentatives de corruption qui ne manqueront pas de faire irruption dans leurs travaux. Lors de cette conférence de presse deux projets qui viennent en soutien au processus de transition démocratique ont été présentés, il s’agit de celui initié par le «Centre de citoyenneté et de démocratie» et celui porté par l’association «Dignité pour le prisonnier politique». Une cartographie des violations Pierre angulaire d’une transition démocratique crédible, la justice transitionnelle ne doit en aucun cas être hasardeuse ou approximative. C’est à partir de cette analyse que le Centre de citoyenneté et de démocratie, conduit par Salah Hashem, a choisi une approche scientifique pour le traitement de la question de la justice transitionnelle. Le projet consiste en une sorte d’état des lieux sur la nature des violations aux droits fondamentaux subits par les hommes et les femmes depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. «Les violations subies depuis l’indépendance sont de deux sortes : il y a ceux qui ont été victimes de crimes sur leur intégrité physique, mais il y a également des régions toutes entières qui ont été privées de leurs droits économiques», précise Salah Hashem. Avec la participation de 23 gouvernorats, l’objectif est de dégager les principales attentes des victimes, qui restent pour le moment peu connues. Dans les 24 gouvernorats, l’association tentera de réunir les victimes de crimes de la part des anciens régimes afin de les écouter et déterminer leurs attentes. Une fois réunis, les témoignages seront traités statistiquement dans le but d’obtenir une cartographie, permettant d’effectuer des statistiques fiables sur le nombre des exactions, leur répartition géographique, mais également leur répartition par le genre et les tranches d’âge. Enfin, un rapport final sera présenté à l’opinion publique et aux autorités concernées. Un travail qui sera vraisemblablement long mais très utile pour la suite du processus. Nabeul : la femme particulièrement visée par la répression Selon les enquêtes de terrain faites par certaines associations, il s’avère que le gouvernorat de Nabeul a été celui dont la répression à l’égard des femmes a été particulièrement dure, surtout pendant les années 1990. De prochaines enquêtes donneront peut-être plus d’explications à ce phénomène observé à Nabeul. En attendant, l’association «Dignité pour le prisonnier politique» se propose, dans le cadre de son projet qui durera une année, de «réhabiliter psychologiquement un groupe de femmes victimes de la tyrannie», de sensibiliser ces femmes quant à leurs droits, mais aussi et surtout de réinsérer socialement ces femmes dont l’avenir a été confisqué par l’humiliation et la torture. D’un autre côté, et sous l’apparente harmonie, les différents intervenant n’ont pas manqué de critiquer les imperfections du projet de loi sur la transition démocratique qu’ils ont eux-mêmes contribué à rédiger. «Le processus de justice transitionnelle est un processus qui ne se répétera pas deux fois, nous avons intérêt à ne pas le rater», déclare Kamel Gharbi Le chemin est donc long et extrêmement périlleux, il prendra selon les observateurs entre 4 et 5 ans, après lesquels nous espérons enfin tourner une page noire de l’histoire de la Tunisie et nous focaliser sur un futur où l’opinion ne sera plus punie par aucune autorité et sous aucun prétexte

Justice transitionnelle: Un réseau de partage et de soutien entre les victimes de la dictature

Un séminaire a eu lieu, sur le thème du «Développement de points communs et création d’un réseau de soutien pour les victimes politiques et leur rôle dans la justice transitionnelle». Ce séminaire a été organisé par l’Académie de la justice transitionnelle, l’Association pour la justice et la réadaptation, en collaboration avec le Centre Kawakibi pour la transition démocratique et l’organisation No Peace Without Democraty. Etaient présents de nombreux représentants de la société civile, ainsi que des victimes et parents de victimes. Ces derniers étaient martyrisés durant les trois voire quatre dernières décennies à des époques différentes. Ces boucs émissaires de l’ancien régime aussi bien du temps de Bourguiba. étaient venus rencontrer la société civile qui œuvre sur le respect des victimes et leur encadrement moral et financier. Le séminaire visait, via des débats et des ateliers, eu à mettre en place un dialogue constructif entre les représentants des victimes, la société civile et les experts en justice, entre autre le président de l’Observatoire national pour l’indépendance de la justice, Ahmed Rahmouni, afin de s’entendre sur une base commune et renforcer les mécanismes de mise en place d’un réseau d’appui quant au rôle des victimes dans le cadre de la justice transitionnelle auquel le pays fait face. Les martyrisés frustrés face à la lenteur de la machine judiciaire Toutes les victimes à qui on a donné la parole ont exprimé leur frustration face à la lenteur de la machine judiciaire et aux réactions des grands décideurs politiques qu’ils considèrent «indifférents et insensibles» aux peines physiques et morales que ces victimes politiques ont essuyé suite aux émeutes de la révolution. Pour certains, proches et enfants d’anciens militants ont reproché le silence aberrant et mortuaire quant à la mémoire de leurs grandes pertes. Certains enfants des militants tunisiens du temps de la colonisation et dont les parents ont donné de leur vie durant la période post-indépendance dans des conditions équivoques et ambigües, ont réclamé que la mémoire de leurs proches et parents soient conservée, gratifiée. Ils ont, notamment, revendiqué l’ouverture des dossiers des défunts, tués dans des complots ou ayant succombé à la torture dans les cellules et dont les dossiers ont été évincés et bien cachés. Durant l’après-midi, les participants se sont scindés en plusieurs ateliers pour trouver ensemble la meilleure procédure à suivre pour encadrer les victimes de la torture du temps de Ben Ali et ceux d’après l’indépendance. Un encadrement moral et physique qui rende à ces victimes leur dignité et gratifie leur souffrance et leur militantisme.

Justice transitionnelle – La société civile enrichit le débat

«On ne peut tourner la page du passé avant sa lecture», déclare Me Amor Safraoui «La réussite de l’expérience tunisienne est très importante pour l’avenir des Droits de l’Homme dans la région», affirme Mona Rashmawi «Chaque peuple a ses propres mécanismes de réparation», rappelle Michel Tubiana «Il faut rompre avec la chasse à l’homme au nom de la protection de la Révolution », précise Abdelbasset Ben Hassen «Que faire de ceux qui pratiquaient la délation ?», s’interroge Imed Daymi Un projet de loi sur la Justice transitionnelle fin prêt se trouve entre les mains du Gouvernement. Il n’a pas été présenté à l’Assemblée Nationale Constituante. Il est encore temps de l’enrichir. Dans cet esprit, la Coordination Nationale indépendante pour la justice transitionnelle a organisé depuis avant-hier un colloque international de deux jours sur ce projet de loi. Me Amor Safraoui, président de la Coordination, situe le débat dans le cadre de la conjoncture politique et sociale du pays. Il commence par féliciter l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) pour sa sage décision d’annuler la grève générale. « C’est une preuve de plus à porter à l’avantage de la société civile tunisienne pacifiste qui n’a cessé de faire entendre la voix de la raison et d’appeler sans répit à instaurer un climat de paix et de concorde. Le peuple tunisien refuse la violence. Toutefois, tout en appelant à la paix civile, nous tenons à la Justice transitionnelle. On ne peut tourner la page du passé avant sa lecture. La conciliation vient après le questionnement, sans esprit de vengeance, ni sélectivité, selon des normes précises », dit-il. Il considère que l’aveu de l’incriminé, la quête du pardon et l’acceptation de la victime d’accorder ce pardon, sont des éléments essentiels de la justice transitionnelle. Cette justice doit être transparente. Me Safroui, révèle entre autres quelques points de faiblesses et défaillances dans le processus tunisien de justice transitionnelle. «L’Assemblée Nationale Constituante n’a pas honoré ses engagements, encore moins assumé ses responsabilités dans l’élaboration de la loi sur la justice transitionnelle, contrairement à l’article 24 de la loi fondamentale d’organisation provisoire du pouvoir. La Constituante s’est désengagée de son rôle pour se voir substituée par le ministère des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, créé par un simple arrêté. En plus le ministère n’a pas réussi à coordonner et canaliser comme il faut les initiatives de la société civile et n’a pu maîtriser le processus. Il n’a pu prendre les mesures urgentes nécessaires aux familles des martyrs et des blessés de la Révolution. En plus la société civile était désunie, ce qui a diminué son efficacité », dit-il. En dépit des difficultés et des insuffisances, la Coordination tient à l’esprit de participation pour instaurer la justice transitionnelle. Mona Rashmawi, directrice du secteur règle du droit, égalité et non-discrimination au Haut-commissariat onusien des Droits de l’Homme, considère que la chose la plus importante dans la justice transitionnelle est le regard qu’elle porte sur le passé. C’est une étape importante dans la construction démocratique, pour garantir un non retour aux pratiques passées. La justice transitionnelle véhicule une vision futuriste de l’Etat de Droit et de la primauté des Droits de l’Homme, sans considération de race, de sexe ou de convictions religieuses. La conférencière pense que la réussite de la justice transitionnelle en Tunisie intéresse les Tunisiens, en premier lieu, mais pas seulement. « La réussite de l’expérience tunisienne est très importante pour l’avenir des Droits de l’Homme dans la région. Nous avons suivi les consultations concernant le projet de loi et considérons qu’elles doivent intéresser tout le monde », dit-elle. Ayant lu, le projet de loi, elle révèle l’importance de la complémentarité des différentes procédures en matière de justice transitionnelle. Michel Tubiana, président du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme, rappelle que le problème de la Justice est qu’elle est « une œuvre humaine, par définition imparfaite. Le fait que cette justice soit transitionnelle, signifie qu’on part d’une période donnée pour aller quelque part. « La justice transitionnelle est un concept nouveau qui répond à autant de sociétés et de peuples. Il n’y a pas un code de justice transitionnelle. Elle est ce que les peuples en font », dit-il. Il s’agit tout d’abord de dire la vérité. Il n’y a rien de pire pour un peuple que de perdre la mémoire. C’est aussi bien le cas des victimes que des bourreaux. Il faut aussi réparer. « Chaque peuple a ses propres mécanismes de réparation. Il n’y a pas seulement l’argent qui compte. L’expérience du Maroc a montré qu’il y a d’autres méthodes de réparation », dit-il. Concernant la sanction, il pense qu’il faut qu’il y ait « un peu d’humanité. Un arbitrage est nécessaire entre ne rien faire et sanctionner. Il s’agit de trouver le juste équilibre. C’est un exercice qui appartient à chaque peuple. Les expériences sont à partager, mais en aucun cas, on ne peut dire voilà ce qu’il faut faire ». Il considère que la société civile tunisienne a fait preuve d’une grande combativité. Il l’invite à ancrer les idéaux de la justice transitionnelle au sein de la société tunisienne. Abdelbasset Ben Hassen, président de l’Institut Arabe des Droits de l’Homme (IADH), rappelle que la réflexion sur la justice transitionnelle a commencé dès les premières semaines de la réussite de la Révolution. L’Institut a participé à la vulgarisation du concept. « Les Droits de l’Homme sont une responsabilité collective dans un pays en transition. C’est la responsabilité des instances de l’Etat, de l’Assemblée Nationale Constituante et de la Société civile. Chaque fois où on s’approche de la vision collective de la responsabilité, on s’approche de la réussite. Chaque fois où on verse dans les tiraillements politiques, on s’éloigne de la réussite. La société civile tunisienne n’est pas seulement une force de critique, elle est aussi une force de proposition », dit-il. L’Institut considère que la Justice transitionnelle fait partie d’une vision qui fonde la transition sur le respect des droits et des libertés. La justice transitionnelle s’intègre dans un mouvement d’ensemble incluant les réformes des institutions comme la justice, la sécurité, l’information…Abdelbasset Ben Hassen déplore les peurs engendrées par les tiraillements politiques. « La violence commence à être acceptée et banalisée. Ce-ci nous éloigne du dialogue pour trouver les solutions collectives sur des sujets comme l’enseignement, la santé, l’emploi…Tout en rêvant d’une justice transitionnelle qui a tardé à être mise en pratique, il faut rompre avec la chasse à l’homme au nom de la protection de la Révolution. Demander des comptes doit se faire dans le cadre de la loi c’est-à-dire en recourant à la Justice transitionnelle ». Le président de l’IADH appelle à mettre fin aux structures parallèles. « Sans justice transitionnelle, nous irons vers des pratiques qui mettent en péril la paix sociale, comme les décès dans les prisons suite à des grèves de la faim, la violence à Siliana… « La justice transitionnelle et les réformes politiques permettent de vivre ensemble », conclut-il. Imed Daymi, ministre et directeur du cabinet ministériel, précise que le président Marzouki, tient à connaître l’avis de la société civile sur la justice transitionnelle. « La société civile soutient, permet de faire mûrir la justice transitionnelle et de la réussir. Le projet de loi est attendu par des dizaines de milliers de victimes. En tant que citoyen, Imed Daymi, avance quelques remarques sur le projet de loi. « C’est un projet qui s’intéresse davantage à la victime que des bourreaux. Il faut écouter les auteurs et responsables des atteintes et les encourager à reconnaître leurs méfaits. Le projet de loi ne contient pas des outils de coercition progressifs. Par ailleurs certains actes ne tombent pas sous le coup de la loi. J’ai trouvé au palais présidentiel des documents compromettants, comme des lettres cultivant le culte de la personnalité, d’autres embellissant la réalité ou de délation… Que faire avec ces personnes ? Je n’ai pas la protection nécessaire pour les dévoiler à l’opinion publique. Certains auteurs s’activent encore dans la scène politique », dit-il. Avec les retards enregistrés la mise en place de la justice transitionnelle coïncidera avec l’approche des prochaines élections. Comment éviter qu’elle soit instrumentalisée dans les tiraillements politiques ?

Gestion des établissements pénitentiaires: La société civile, futur partenaire

Un accord de partenariat et de coopération a été signé, hier, entre le ministère de la Justice et des associations de la société civile, à la prison civile de Mornaguia (gouvernorat de La Manouba). Le représentant du ministère de la Justice, Mustapha Yahyaoui, a déclaré au correspondant de l’Agence TAP que l’accord prévoit d’établir une coopération avec les associations et leur permettre de visiter les prisons sans autorisation préalable, afin de prendre connaissance des conditions d’incarcération. Pour sa part, le président de l’Association «Justice et réhabilitation», Karim Abdessalem, a estimé que la signature de l’accord est un «pas important» dans la coopération avec le ministère de la Justice qui doit être pris en exemple par le ministère de l’Intérieur. De son côté, la représentante de l’Association «Liberté et équité», Maroua Widadi, a considéré que l’accord peut contribuer à surmonter de nombreux problèmes à l’intérieur des prisons.