jeudi , 28 septembre 2023
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Tunisie – Hafedh Ben Salah : «La justice doit être à l’abri des influences politiques et des intérêts privés»

 

«Il faut d’abord savoir ce que l’on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut enfin l’énergie de le faire», c’est de Georges Clémenceau et résume en peu de mots la démarche entreprise par Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle.

 

Hafedh Ben Salah est perçu comme étant un homme plus versé dans la réflexion que dans l’action. En parfait légaliste, il plaide pour la suprématie de la loi et l’indépendance de la magistrature, pariant sur son intégrité et son sens des responsabilités.

 

Le passage des deux Nahdhaouis, Noureddine El Bhiri et Nedhir Ben Ammou, au ministère ont été aussi dévastateurs que ceux de leurs confrères dans d’autres ministères.

 

Hafedh Ben Salah a-t-il réussi à rétablir un tant soit peu de justice dans la justice tunisienne?

 

Le dernier mouvement des magistrats serait passé tant bien que mal mais le plus grand enjeu reste la loi antiterroriste que nombre de sympathisants potentiels des terroristes font tout pour bloquer. Pour le ministre de la Justice, «la loi en cours d’examen est une nécessité urgente devant contribuer à la lutte contre le phénomène du terrorisme qui menace les forces sécuritaires et les citoyens, et si elle n’était pas votée dans sa globalité, elle pourrait être retirée par le gouvernement».

 

Entretien

 

WMC : Un Etat de droit, c’est le seul garant de la reprise de confiance non seulement des citoyens en leur Etat mais également des investisseurs nationaux et étrangers. Pensez-vous que l’après 14 janvier a apporté cet Etat de droit en Tunisie?

 

Hafedh Ben Salah : Je voudrais rappeler qu’il y a eu des réformes avant mon arrivée à la tête du ministère de la Justice. Il y a eu adoption de la Constitution et surtout adoption de la loi portant création de l’Instance provisoire de la iustice judiciaire. Ces textes ont introduit des nouvelles garanties pour l’indépendance et la neutralité de la justice. Il faut mettre l’institution judiciaire à l’abri des influences des politiques et surtout celles des milieux des affaires.

 

Ce que j’ai fait moi, c’est de favoriser le mouvement plaidant pour l’indépendance de la justice. J’ai essayé d’appuyer et soutenir les travaux de cette Instance qui est très importante même si elle est provisoire. Cette Instance prépare le Conseil supérieur de la magistrature qui sera définitivement adopté après les élections. Il sera donc le véritable artisan de la crédibilité et l’indépendance de la justice.

 

Ne pensez-vous pas comme le prétendent nombre de personnes que le fait que les magistrats ne soient pas les mieux payés en Tunisie facilite la débauche de nombre d’entre eux par les magnats des affaires et des finances et pourquoi pas les défenseurs des terroristes qui disposent de beaucoup d’argent?

 

Les magistrats sont des hauts fonctionnaires. Ils figurent parmi les mieux payés. Vous êtes, je suppose, consciente que le pays traverse une crise économique aiguë, donc l’augmentation aujourd’hui de leurs émoluments n’est pas à l’ordre du jour.

 

Pour ma part, je ne considère pas que la rémunération soit facteur déterminent dans les prédispositions de toute personne à la corruption ou à l’absence d’une intégrité morale indispensable pour faire un bon juge. Si un magistrat ou un fonctionnaire est corrompu, rien ne l’empêchera de continuer à l’être même s’il est le mieux rémunéré. C’est plus une attitude, un comportement plutôt et l’absence du sens moral qu’une question de position ou de moyens.

 

Cela peut être aussi à cause de l’absence d’une autorité capable de sanctionner les magistrats corrompus et de mettre le holà à des pratiques indignes de la Tunisie.

 

Je suis tout à fait d’accord mais il ne faut pas non plus qu’il y ait des punitions collectives non basées sur des preuves irréfutables. La plus grande partie de la magistrature tunisienne est intègre et essaye d’assurer tant bien que mal sa mission dans des conditions plutôt difficiles. Il faut peut-être revenir à la période qui m’a précédé. Nous avons assisté à une mise à l’écart de 83 magistrats, remerciés tous sans motifs convaincants. On a mis cela sur le compte d’un mouvement d’épuration. Je m’oppose aux punitions collectives, elles ne sont pas les plus efficientes, pertinentes ou justes. Pour preuve, 40 des magistrats mis à l’écart ont eu gain de cause auprès du tribunal administratif.

 

Il y a eu par conséquent annulation d’au moins 40 décrets du chef de gouvernement sanctionnant ces magistrats. Je plaide plutôt pour une démarche pragmatique. Nous devons statuer au cas par cas en commençant par le commencement: déposer plainte contre un magistrat. Toute plainte est initiée par l’Inspection générale du ministère. Je préconise l’application des plus strictes sanctions sur tout magistrat reconnu coupable de corruption.

 

Avez-vous mis en place une stratégie pour assurer l’indépendance et la neutralité de la justice surtout en ces temps assez troubles dans notre pays?

 

Tout à fait. Il y a une stratégie mise en place par le ministère de la Justice et qui est en cours d’élaboration. Elle en est à ses dernières touches. Elle couvre la période 2014-2016. Nombre d’actions œuvrant pour l’indépendance de la justice seront exécutées durant cette période et visant surtout le renforcement de sa crédibilité.

 

Elles s’articulent autour de la formation des conditions de travail et visent aussi le fonctionnement des institutions.

 

Il faut bien entendu prévoir et préparer un texte qui organise le CSM et réfléchir au nouveau statut registrant la fonction des magistrats. Le statut de 1967 est dépassé et n’est plus en harmonie avec la nouvelle Constitution.

 

Pour ma part, je suis en train de mener un certain nombre d’actions comme la mise en place des commissions pour réfléchir sur ces axes de réforme. Mais ce que j’ai voulu surtout faire est de faire fonctionner les institutions et de démontrer que les magistrats sont capables de se prendre en charge et de régler leurs propres problèmes par eux-mêmes et dans un cadre interne. C’est-à-dire dans le cadre de l’institution de la justice pour éviter la confrontation exécutif/magistrats. Je pense qu’en la matière, les magistrats sont en train de se rendre compte que l’indépendance n’est pas seulement un avantage mais surtout une responsabilité et c’est cela la véritable voie de l’indépendance.

 

La Loi antiterroriste est une plaie ouverte dans une Tunisie blessée par le terrorisme. Comment comptez-vous faire pour la faire adopter d’autant plus qu’il y a beaucoup de résistance au sein de la Constituante et des articles qui ont été rejetés tel l’article 32 qui stipule que toute personne n’ayant pas signalé des infractions terroristes est passible d’un an à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de cinq à dix mille dinars ou encore l’article 33.

 

Paradoxalement les articles qui sont tombés et qui n’ont pas eu l’unanimité ne sont pas des articles de principes. Les articles les plus importants sont passés, prenons à titre d’exemple l’article 12 qui définit les crimes terroristes et condamne le blanchiment d’argent a été adopté; l’article portant création du pôle judiciaire et la lutte contre le terrorisme aussi a été adopté; tout comme les articles relatifs au droit à la défense et celui qui protège le droit à la vie privée.

 

Je pense que ce qui a réduit le rythme ou a fait que la loi traîne à l’Assemblée, c’est le taux d’absentéisme des députés. Vous savez que c’est une loi organique qui nécessite une majorité de 109. Je pense que le président de l’Assemblée a du mal à réunir le nombre nécessaire de constituants. Ils sont en fin de mandat et ne sont peut-être plus intéressés par les travaux de l’Assemblée. Parmi eux, il y en a qui vont se représenter et donc sont plus occupés par leurs campagnes. Malgré cela, j’ai remarqué une volonté ferme et une détermination de la part des coalitions et des groupes parlementaires réellement motivés pour faire passer cette loi.

 

Il y a un effort notable de la part du président de l’Assemblée pour remettre tout le monde au travail et achever l’adoption de la loi. Il y a un blocage car la plupart des parlementaires ont été jugés sur la base de la loi de 2003. C’est la méfiance qui l’emporte sur la confiance.

 

La loi de 2003 n’a jamais été abrogée, elle est en vigueur et elle le restera tant que la nouvelle loi n’a pas été adoptée. Ce qui dérange dans l’action antiterroriste, c’est peut-être le fait d’être obligé de créer un pôle antiterroriste à l’instar du pôle financier. C’est-à-dire de manière informelle. Ce que nous souhaitons est que la loi permette, une fois votée, de créer un pôle où il y a tous les intervenants, de l’instruction jusqu’au jugement et jusqu’à l’appel. Nous voulons encourager une meilleure spécialisation des juges et assurer une bonne protection de cette justice.

 

Comme vous devez le savoir, dans quelques semaines vont commencer les jugements des affaires concernant les personnes arrêtées, il y a quelques mois, et cela nécessite un certain nombre de mesures, ces mesures peuvent être prises plus aisément dans le cadre de la nouvelle loi.

 

Une loi portant création d’un pôle antiterroriste se traduit de quelle manière sur le terrain?

 

La loi portant création du pôle antiterroriste a préparé le cadre légal. Elle exprime la volonté de toutes les parties concernées par la problématique terroriste de le mettre sur les rails et d’activer son démarrage effectif. Maintenant, il s’agit de passer à l’acte. Ce qui revient à dire, la mise en marche du pôle. Et ce n’est pas aussi évident que cela. Il a besoin de juges formés comme il se doit car on ne s’improvise pas juge antiterroriste et tout le monde est conscient de l’effort à faire.

 

Il y a aussi la question de l’organisation logistique et, à mon avis, il faut mettre tout ça en place dès que la loi est votée...

 

L’Etat de droit n’est pas que la sécurité tout court, c’est surtout garantir les droits des uns et des autres, qu’il s’agisse de la sécurité des personnes, économique, commerciale et autres. Que c’est difficile dans un pays en pleine mutation!

 

Tout à fait. D’ailleurs, j’ai toujours parlé de la sécurité juridique dans son ensemble. Le ministère de l’Intérieur parle de la sécurité tout court, donc de garantir la sécurité des entreprises et des personnes. Mais il y a aussi la sécurité juridique qui implique un rôle plus important du ministère de la Justice et de la magistrature.

 

On ne gagne pas à être crédibles à l’extérieur du pays et ne pas l’être à l’intérieur. La justice doit être crédible vis-à-vis des justiciables nationaux et, après, vis-à-vis des investisseurs internationaux. Il y a beaucoup à faire sur ce plan. Nous avons mis en place, avec ma propre contribution, un certain nombre de projets pour améliorer les conditions de travail des magistrats et assurer plus de célérité dans le traitement des dossiers.

 

Il y a un encombrement des chambres. Il y a le nombre de dossiers important par rapport aux moyens et aux ressources humaines disponibles. Il y a même un problème au niveau du traitement des jugements. Parce qu’on peut juger une affaire aujourd’hui et attendre 2 ou 3 mois pour avoir le rendu du jugement. Que de temps perdu. Ce sont des complications qui empoisonnent la vie des magistrats et des justiciables...

 

Donc je pense que maintenant il faut se diriger vers le cap qualité, il faut essayer d’améliorer la qualité des conditions de travail parce que c’est important et parce que c’est un élément essentiel de la crédibilité et du rayonnement de la justice.

 

Quelles sont les actions concrètes que vous avez entreprises vous-même pour y parvenir et surtout touchant aux dossiers des compétences et opérateurs privés tunisiens dont les dossiers traînent depuis bientôt 4 ans. Ce qui est aberrant lorsque les jugements des terroristes et les dossiers des criminels de droit commun sont traités et rendus plus rapidement?

 

Bien sûr au début de ma mission, j’ai tenu des réunions, j’ai participé à des séminaires de discussions et de formation, concernant surtout la question de mandat de dépôt distribué un peu à la légère par les juges d’instruction saisis d’affaires post janvier 2011.

 

Effectivement, il y a eu un grand nombre de mandats de dépôt, on a mis en prison un nombre de chefs d'entreprise ou bien des anciens PDG, d’anciens ministres sans que les conditions de détention ne soient remplies. Il fallait revenir à la légalité et surtout à appliquer les termes du Code de procédures pénales. Cela a pris un certain temps et nous avons bien vu l’annulation de certains mandats de dépôt. Nombre de prévenus ont été libérés tout en se maintenant à la disposition de la justice. Ceci a en quelque sorte allégé le grand fardeau porté par les juges d’instruction chargés de dossiers qu’ils ne pouvaient pas traiter, alors que les prévenus en prison attendaient deux ou trois ans avant de voir leurs dossiers instruits et clôturés par les juges pour que le jugement final soit l’acquittement!.

 

Il y a aussi eu cette mesure d’interdiction de voyage pour certains, qui a empoisonné la vie des hommes d’affaires et qui a limité l’initiative en matière économique. Et là encore, nous avons fait une campagne de sensibilisation en direction des magistrats. Lorsque la défense de ces personnes a porté les affaires devant la chambre d’accusation, c’est elle qui a statué sur ces dossiers et nombre de ces interdictions ont été levés. Interdire le voyage à ces personnes est nocif. J’ai eu personnellement à traiter du cas très particulier, celui d’un pilote. Si on interdit à un pilote de prendre l’avion, il ne travaille plus et surtout il est menacé de perdre sa licence de pilotage.

 

Vous voyez une simple mesure provisoire peut tourner au drame. Et c’est ce que les juges d’instruction ont fini par comprendre. Les chambres d’accusation ont tout essayé de mettre en œuvre pour rétablir le climat de confiance dans les affaires de la justice et le monde des affaires.

 

Ne pensez-vous pas qu’il y a eu beaucoup de faux pas commis par le pôle financier?

 

J’estime que le pôle financier a été un peu improvisé. Il recèle des défaillances et des imperfections qui se sont répercutées sur son œuvre et ses actions. C’est un pôle encombré d’affaires, et ce genre d’affaires doit être traité par les experts. Parce qu’un juge d’instruction n’a pas le temps d’étudier les documents et les pièces dans 50 boîtes d’archives touchant à une seule affaire. Il délègue aux experts qui se basent sur le rapport de l’inspection du ministère concerné.

 

In fine, nous arrivons à un dossier peu consistant et très souvent très compliqué. Et on s’étonne que suite à l’information judiciaire, alors que les prévenus passent deux ou trois ans en détention provisoire, le tribunal finit par acquitter et prononce un nom lieu. C’est une disparité entre les peines infligées et les jugements rendus. C’est à cause de la procédure d’instruction qui n’est pas assez bien construite que l’on finit par douter de l’efficacité de l’instruction et surtout de son utilité.

 

Des fois, on s’interroge sur les moyens de se sortir de ce goulot d’étranglement. Les dossiers sont soumis au juge d’instruction parce que les procédures l’imposent, et chez ce dernier, les affaires peuvent prendre des mois voire des années en instruction ou en investigations sans aucune possibilité de poser des questions ou de saisie des dossiers. Je considère qu’il faut réfléchir sérieusement à une réforme touchant au rôle du juge d’instruction, sa place et la qualité de son travail…

 

Avant le 14 janvier, il y avait presque confusion entre le pouvoir judiciaire et celui exécutif, aujourd’hui le pouvoir judiciaire est plus indépendant mais vos vis-à-vis sont multiples. Comment faites-vous pour concilier les exigences ou plutôt les revendications des uns et des autres partant de l’Association des Magistrats en passant par l’Association et le tout chapeauté par l’Instance supérieure de la magistrature?

 

Dans l’intérêt de la justice, le ministère assure le rôle défini par les textes en vigueur, notamment les décrets portant organisation du ministère de la Justice. Et dans ce cadre, le ministre agit. Les partenaires du ministère, qu’il s’agisse du Syndicat ou de l’Association, sont des groupes de pression. Personnellement je les considère comme tels. Ils ne peuvent pas prendre des décisions en lieu et place du ministère, mais ils essaient de défendre le corps de la magistrature et de lui garantir des conditions d’exercice favorables. Et en premier lieu de défendre au corps de la magistrature et par exemple de défendre les causes professionnelles des magistrats. Ce sont des organisations qui essaient d’orienter la politique et les orientations du ministère.

 

Mais attention, le ministère n’est pas un juge. Il ne juge pas. Tout le volet afférant au traitement des dossiers se rapportant à la Justice relève de l’Instance et des magistrats eux-mêmes. Les organisations n’ont pas de prise sur l’Instance ou sur l’activité judiciaire.

 

Au fond, comment assurer un bon fonctionnement des tribunaux et l’indépendance de la justice? C’est justement en transférant les prérogatives du ministère et celles de l’ancien CSM au nouveau CSM adopté par la nouvelle Constitution. Il est temps pour les magistrats de se prendre en charge et d’assumer la responsabilité de leur réputation, de leur crédibilité et de leurs statuts. S’ils assurent leur rôle dans le respect de la loi et de l’éthique, ils imposeront le respect et s’ils s’allient à l’argent ou la politique, ils doivent en assumer les conséquences. Et c’est l’inspection du ministère de la Justice qui a la charge de sévir. Elle doit veiller sur le respect des règlements et de la loi.

 

Dans le contexte actuel, elle a été affaiblie par tous ces changements post-14 janvier et elle ne peut assurer sa mission comme il se doit. Et c’est pour toutes ces raisons qu’il faut repenser l’instruction et la restructurer. L’instruction ce sont des magistrats qui vont essayer de veiller à la bonne application des procédures et des lois par leurs collègues. C’est pour cela qu’il faut repenser l’architecture qui garantit une indépendance de la justice en Tunisie, il faut revoir l’inspection au niveau de son organisation, de sa formation et de sa mission.

 

Les élections sont pour demain, quel rôle joueront les magistrats pour garantir la transparence et la crédibilité nécessaires pour rassurer et sécuriser les Tunisiens?

 

C’est la loi qui a confié aux juges le rôle de l’arbitrage et plus précisément aux tribunaux de première instance. Je pense aux juges cantonaux aussi, s’il y a contentieux c’est celui des inscriptions sur les listes électorales. En ce moment même, les tribunaux sont en train d’étudier les requêtes présentées par, soit les candidats, soit ceux qui contestent la candidature de certains sur des listes, etc.

 

D’ailleurs, il y a une permanence sur tout le territoire pour respecter les délais et statuer en temps et heure. La loi électorale a prévu des délais courts pour que les tribunaux se prononcent sur la régularité ou l’irrégularité des inscriptions sur les listes soumises à l’ISIE.

 

Pouvons-nous espérer la création d’une police judiciaire à l’instar de celle existant en France ou aux Etats-Unis, soit une division spécialisée chargée de constater les infractions, d’en rassembler les preuves, d'en rechercher les auteurs et également de sécuriser les tribunaux et de protéger les juges? Les attaques à l’encontre des juges après le 14 janvier nous ont laissé de très mauvais souvenirs…

 

Au fait, votre question m’amène à distinguer entre deux choses. Il y a la sécurité des tribunaux, c’est-à-dire la police qui va veiller à ce que les audiences se passent dans des conditions sécurisantes et calmes, et faire en sorte que les bâtiments soient protégés et gardés. Avec la direction générale des prisons, nous sommes en train de former un corps qui dépend du ministère de la Justice et qui assurera la protection des tribunaux. A l’intérieur même des salles d’audience, il veillera à ce que tout se déroule dans de bonnes conditions.

 

La police judiciaire représente toute autorité qui constate l’infraction, qui rédige les PV pour les transmettre au procureur et au juge d’instruction ou à l'information juridictionnelle. La police judiciaire existe déjà de et par les textes. Mais il n’y a pas que la police qui doit être en charge des constats. D’autres peuvent assumer cette charge. Il peut y avoir des officiers dans d’autres départements qui peuvent assurer, tels les douaniers.

 

Le ministère de la Justice ne doit pas cumuler les deux fonctions, celle de chercher les preuves et de monter l’instruction et celle de juger les prévenus. Il s’agit de garantir les libertés et de préserver les droits de l’homme en séparant l’autorité qui constate le délit et ordonne l’instruction, et la justice qui doit rester sereine pour instruire le dossier. Il ne faut pas que le personnel de la justice devienne lui-même partie prenante dans la première phase d’investigations et d’instruction. Même si on peut accorder à un juge ou un magistrat le fait de constater en cours de route l’infraction, cela ne doit pas devenir une règle mais plutôt une exception qui relève de l’exercice de sa fonction. Il est impératif de séparer l’autorité qui constate l’infraction de celle qui la juge.

Mouvement des magistrats pour 2014-2015 : Le SMT exige des précisions

 

A l’issue d’une réunion de son bureau exécutif tenue mardi 2 septembre 2014 à Tunis, le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) a appelé, dans un communiqué, l’Instance provisoire de la magistrature à rendre publiques les délibérations relatives au mouvement judiciaire au titre de l’année 2014-2015.

Le syndicat appelle, ainsi, l’instance à informer les magistrats et l’opinion publique du degré de respect des critères inhérents au mouvement dans le corps des magistrats et à remédier aux défaillances procédurales y afférentes.

 

Dans le même contexte, le bureau du SMT fait part de son soutien à tous les magistrats, victimes du mouvement judiciaire et son appui à tout mouvement de protestation légitime, réaffirmant l’attachement des magistrats à exercer leur droit syndical pour défendre l’indépendance de la magistrature.

On rappelle que l’annonce du mouvement des magistrats pour l’année 2014 a été faite jeudi 24 juillet 2014. Ce mouvement a été soumis à la présidence du gouvernement pour adoption et publication dans le journal officiel (JORT), le 27 du même mois, a précisé le porte-parole de l’instance Wassila Kaabi à l’agence

Exclusif – Ce que l’interrogatoire des membres d’Ansar Chariâa a révélé

 

Après moult arrestations et libérations, le juge d’instruction a fini par émettre des mandats de dépôt contre un certain nombre de terroristes parmi les membres d’Ansar Chariâa dont notamment Seifeddine Erraïes et Afif Laâmouri. Les interrogatoires de ces deux membres islamistes radicaux ont révélé que des personnalités politiques sont impliquées avec Ansar Chariâa et ce après sa classification en tant que mouvement terroriste. Parmi elles, on cite notamment Abderraouf Ayadi et Yassine Ayari, ainsi que des associations réputées proches des islamistes. 

Seifeddine Erraïes, porte-parole d’Ansar Chariâa, est natif de 1982 et bachelier en 2001. Il a réussi ses études pour devenir professeur d’éducation physique quatre ans plus tard. C’est en 2005 qu’il est devenu salafiste takfiriste après la lecture d’un certain nombre d’ouvrages radicaux. Repéré immédiatement par les forces de l’ordre, il a écopé de deux ans de prison pour appartenance à un mouvement terroriste et ce juste pour avoir eu des relations louches avec un certain Maher qui s’est évadé en Algérie. Il purge sa peine aux prisons 9-Avril, Mornaguia et Borj Erroumi où il a rencontré le radical Anis Chaïeb. Libéré en 2008, Seïfeddine Raïes reste tranquille et gagne sa vie grâce à sa crèmerie sise à Kairouan et ce, jusqu’à la révolution. Ce n’est qu’après la révolution qu’il est devenu actif et qu’il a connu un certain nombre de salafistes takfiristes dont Afif Laâmouri, Hassen Ben Brik, Mohamed Aouadi, Mohamed Akari, El Khatib el Idrissi… Début 2012, Seifeddine Erraïes rencontre pour la première fois Seïfallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, le terroriste le plus recherché de Tunisie, qui lui a demandé d’intégrer Ansar Chariâa. L’objectif étant de créer un califat en Tunisie et d’y appliquer la loi divine. Après l’invasion de l’ambassade américaine à Tunis, en septembre 2012, Abou Iyadh a demandé à Erraïes de devenir porte-parole d’Ansar Chariâa et de nouer des relations avec les médias, ce qui fut fait. Parmi ses autres missions, l’organisation de conférences de presse, de rencontres incitant le public à intégrer le mouvement et la récolte de dons. Interrogé par la brigade anti-terroriste sur ses vidéos faisant l’éloge des terroristes de Daech et ses appels au djihad, Seifeddine Erraïes a avoué et assumé toutes ses déclarations, en donnant toutes les précisions à ces déclarations. D’après lui, ses comparaisons avec ce qui se passe en Irak et en Syrie sont liées aux campagnes ayant visé en 2013, notamment à Cité Ettadhamen, les salafistes tunisiens qui se trouvaient, alors, en détention dans les prisons tunisiennes. Dans sa vidéo, il s’élevait contre ces détentions et appelait à des manifestations de protestation. Le deuxième suspect s’appelle Afif Laâmouri, alias Abou Iyad (bien qu'il soit célibataire), et a été responsable de la communication d’Ansar Chariâa. Natif de 1985, il a été bachelier en 2004. Trois ans après, il devient titulaire d’un diplôme de technicien supérieur dans les équipements agricoles délivré par l’ISET Sidi Bouzid. C’est là qu’il a eu connaissance des mouvements salafistes takfiristes par le biais d’un certain Mohamed Khomsi. En 2005, il devient jihadiste takfiriste et ce après avoir fréquenté les réunions d'el Khatib el Idrissi, là où on érige Oussama Ben Laden en héros.C’est lui qui, après 2011, s’occupait des nombreuses pages salafistes sur Facebook et ce après avoir créé une page de soutien à Ansar Chariâa qui a impressionné Abou Iyadh. Reçu par ce dernier fin 2011, Laâmouri devient l’homme de communication du mouvement. Sa mission était de brasser large de telle sorte à ramener un maximum d’adhérents. Rapidement, il devient l’homme de confiance d’Abou Iyadh et même son chauffeur et accompagnateur personnel, le tout gratuitement. Il réussit même à obtenir un emploi dans la fonction publique au ministère de l’Agriculture qui l’affecte à Tataouine. Au milieu de l’année 2012, il quitte cependant son travail pour revenir s’installer à Tunis. Il s’installe à Cité El Khadhra où il a pu connaitre les autres terroristes du mouvement dont Kamel Gadghgadhi, Hassen Ben Brik, Mohamed Aouadi et bien d’autres, dont Seïfeddine Erraïes… Objectif de tout ce beau monde, mettre en place un califat en Tunisie. Durant son interrogatoire, Afif Laâmouri cite un certain nombre de « personnalités » comme étant salafistes takfiristes et avec qui il a pris contact sur ordre d’Abou Iyadh. Parmi elles, Ridha Belhadj, Mokhtar Jebali, Moncef Ouerghi et Mohamed Khelif. Il avoue que c’est lui qui a mobilisé les foules, sur ordre d’Abou Iyadh toujours, un certain 14 septembre 2012 pour aller devant l’ambassade américaine à Tunis. Sa mission consistait à pousser les imams de mosquées à sensibiliser les jeunes sur l’importance de cette manifestation. Et de citer un certain nombre de suspects. C’est après cette attaque de l’ambassade qu’Abou Iyadh est devenu recherché. En février 2013, au lendemain de l’assassinat de Chokri Belaïd, Afif Laâmouri avoue avoir entendu que l’assassinat était perpétré par son camarade Kamel Gadhgadhi et que son mouvement est devenu armé et ce avec la bénédiction d’Abou Iyadh. Celui qui dirige le groupe armé est Mohamed Aouadi et celui qui est chargé de son service secret s’appelle Mohamed Askari, d’après lui. Nouvel objectif, planifier des opérations terroristes, spécifiques et de qualité, qui fragilisent la sûreté intérieure et ce en ciblant les forces de l’ordre et les personnalités politiques. Laâmouri cite des réunions et les personnes qui y étaient présentes pour planifier les attaques. En août 2013, le mouvement est classé terroriste par le ministère tunisien de l’Intérieur. Seïfeddine Erraïes convoque alors Afif Laâmouri pour une réunion urgente qui se déroula chez lui à la cité Mansoura à l’Ariana en compagnie de Hassen Ben Brik. Le trio prend contact, via FB d’après Laâmouri, avec Abou Iyadh qui se trouvait en Libye. Ils s’entendent alors pour créer une association caritative dès lors qu’Abou Iyadh leur donne le feu vert. La solution pratique viendra en décembre 2013 d’après Laâmouri. Un certain blogueur dénommé Marouen Mahmoud prend contact avec Hassen Brik pour lui transmettre un message parvenant du député Abderraouf Ayadi, président du mouvement Wafa. Ce dernier leur demande de les associer à un mouvement appelé « Conseil de soutien à la révolution » qui sera composé de membres de l’association Sawaed, de membres de Liberté et équité, le mouvement des islamistes à Tunis et les membres dirigeants d’Ansar Chariâa, selon le témoignage de Afif Laâmouri. Des instructions préliminaires dans ce sens ont été données par Abou Iyadh d’où l’acceptation immédiate de Laâmouri, de Hassen Ben Brik et de Seïfeddine Erraïes. Il a été convenu que ce soit Ahmed Akremi le représentant de leur groupe. Une réunion a eu lieu en décembre 2013 au local du Mouvement Wafa à l’avenue de la Liberté à Tunis, d’après Afif Laâmouri, et à laquelle ont pris part Abderraouf Ayadi, un membre de Wafa nommé Sahbi, Yassine Ayari (Sawaed), Mohsen Kaâbi (association d’équité des anciens militaires), deux membres des Frères musulmans, ainsi qu’une femme représentant Liberté et équité. Laâmouri avoue que le mouvement interdit Ansar Chariâa était représenté par quatre membres à cette réunion du mouvement Wafa, dont Seïfedine Erraïes. Ils ont convenu d’organiser une manifestation géante le 17 décembre 2013. Précédemment, une conférence de presse a eu lieu par le groupe et a été couverte en direct par Al Jazeera Mubasher (voir l’article de Business News à ce sujet). La manifestation a bel et bien eu lieu (ce fut un flop) et il y a bien eu des appels à créer un califat en Tunisie. "L'Islam est la Solution", "L'Etat du Califat est nécessaire" étaient les slogans des partisans du conseil de soutien à la révolution, à cette manifestation à laquelle a également pris part le parti Ettahrir. Le suspect avoue avoir eu plusieurs entretiens, via FB, avec Abou Iyadh pour coordonner avec lui comment légaliser de nouveau le mouvement sous une autre appellation. Interrogé à son tour, Seïfeddine Erraïes nie en bloc. A l’entendre, il n’a jamais assisté à des réunions avec Abou Iyadh et n’a jamais appelé à instaurer un califat. La réunion au Mouvement Wafa ? Il n’y était pas et dément formellement les propos de son camarade. Une confrontation a eu lieu dimanche dernier entre les deux suspects et Afif Laâmouri a dû se rétracter dans certains de ses aveux. Qu’en est-il réellement ? Les brigades anti-terroristes ont traduit le dossier devant le juge d’instruction qui saura démêler le vrai du faux et la responsabilité de chacun. Toujours est-il, et d’après nos propres articles et vidéos enregistrées sur les serveurs de Business News (lien ci-dessus), une conférence de presse a bel et bien eu lieu en présence de Abderraouf Ayadi et Imed Deghij et c’est l’objet de cette conférence et de la présence de membres d’Ansar Chariâa dont a parlé Laâmouri dans son interrogatoire. Il a beau être démenti par Seïfeddine Erraïes, dans certains de ses propos, l’événement a bel et bien eu lieu ! Dans le même ordre d’idées, le même Yassine Ayari tente, en janvier 2014, de blanchir Abou Iyadh en niant, sur un plateau télé, qu’il était poursuivi en justice (cliquer ici pour voir la vidéo).Tout le problème à résoudre est là, aussi bien par le juge d’instruction que la présidence du gouvernement si l’on cherche vraiment à contrer le terrorisme. Des personnes fortement suspectées de terrorisme sont arrêtées, ces personnes donnent des noms avec qui elles s’entretenaient pour arriver à leurs fins et à leur objectif de déstabiliser l’Etat et de le remplacer par un califat, et ces noms continuent encore à donner des émissions dans les plateaux télé, à travailler tranquillement à l’ANC ou encore à inciter à la haine sur les réseaux sociaux ! Si l’on veut arrêter avec le terrorisme, et en attendant d’en finir avec ceux de Châambi qui tuent nos soldats, il y en a d’autres qui continuent à agir au vu et au su de tous en toute impunité, sans que l’on sache ce qu’elles mijotent dans les réunions secrètes. 

Le ministre de la Justice présente sa démission, en attente d’une validation de Mehdi Jomâa

 

Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice, a présenté lundi 14 juillet 2014 sa démission au chef du gouvernement, apprend Business News d’une source proche de l’intéressé au ministère. Information confirmée auprès de sources à la présidence du gouvernement, qui ne souhaitent pas dévoiler leur nom. La démission n’est cependant pas effective, puisqu’il n’est pas dit que le chef du gouvernement Mehdi Jomâa la valide. Nous y reviendrons.

Signature d’un accord de prise en charge des soins médicaux au profit des blessés graves de la révolution

 

Le ministère des Affaires sociales, celui de la Justice, des droits de l’Homme et de la justice transitionnelle et la CNSS ont signé, mardi, un accord relatif à la prise en charge des soins médicaux au profit des grands blessés de la révolution.

 

Cet accord vise la mise au point des procédures et mesures de prise en charge des frais des services de santé dédiés aux blessés gaves de la révolution afin d’alléger leurs souffrances.

 

L’accord concerne les grands blessés de la révolution inscrits dans les listes primaires des blessés de la révolution et dont l’état nécessite des services de soin spécifiques dans les limites de l’établissement du lien de causalité entre le service demandé et la blessure qui a fait d’eux des blessés de la révolution.

 

Ces cas seront établis par une commission médicale spécialisée qui les transmettra aux parties contractuelles.

La prise en charge de ces services médicaux se fera au titre de services spécialisés pour les cas graves des blessés de la révolution de la part des prestataires de services médicaux dans le secteur privé à une échelle locale ou à l’étranger si nécessaire. Les frais de ces soins seront pris en charge par l’Etat, selon les lois et les procédures en vigueur.

 

Ahmed Ammar Youmbai, ministre des Affaires sociales, a expliqué que les frais des soins des grands blessés de la révolution seront pris en charge par le budget de l’Etat, indiquant que la liste primaire, qui compte environ 3000 blessés, sera vérifiée par la commission des martyrs et blessés de la révolution relevant de l’Assemblée nationale constituante et le ministère de la Justice.

Juges révoqués par décision politique: Non à l’impunité, oui à la justice…

 

Ahmed Rahmouni: «La révocation de ces juges est contraire aux garanties indispensables de défense, contraire à la loi et contraire aux principes généraux de l’indépendance de la justice. Il y a eu un assainissement illégal, improvisé et précipité du secteur qui ne peut qu’occulter la vérité».

Le 26 mai 2012, le gouvernement de Hammadi Jebali, et plus précisément le ministre de la Justice de l’époque, Noureddine Bhiri, a décidé de licencier 71 Juges en leur octroyant six mois de salaires pour solde de tout compte. Depuis, plusieurs structures et organisations, à l’instar de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), ont dénoncé cette décision estimant que ces juges n’ont pas bénéficié de droit à la défense. Plus concrètement, les juges remerciés ont porté plainte auprès du Tribunal administratif et ont eu gain de cause dans une trentaine d’affaires. Pour le reste, le Tribunal administratif n’a pas encore tranché. Akrem Menakbi (il a notamment siégé dans le procès du cyberactiviste Zouhaier Yahiaoui), un de ces juges, demande au gouvernement de ne pas interjeter appel des arrêtés du tribunal administratif.

«Dans nos revendications légitimes, nous sommes soutenus par le ministre de la Justice actuel, Hafedh Ben Salah, confie-t-il. Lui même expert en droit administratif, il sais très bien que cela ne sert à rien de faire appel car les décisions vont très probablement être confirmées». Dans cette affaire, il estime que l’Etat engagera des frais dans une cause perdue d’avance, et les juges, eux, continueront «à attendre une réhabilitation qui tardera encore des mois et des mois» .

Cependant, ce juge qui dit avoir été limogé pour «des raisons morales», admet l’existence, parmi les juges licenciés, d’éléments corrompus. Mais ce qu’il déplore, c’est la «punition collective» dont il estime être victime. «On met dans le même panier, des juges impliqués dans des malversations, et des juges simplement suspectés de mener une vie extra-conjugale ou de boire un verre de trop. Il est évident que les sanctions doivent être proportionnelles aux actes».

Ce constat est partagé par le président de l’Observatoire tunisien pour l’indépendance de la magistrature (Otim), Ahmed Rahmouni, qui ajoute aux 71 magistrats révoqués sous Noureddine Bhiri, les 6 magistrats limogés sous Lazhar Karoui Chebbi, ministre de la Justice au lendemain du 14 janvier 2011.

“La révocation de ces juges est contraire aux garanties indispensables de défense, contraire à la loi et contraire aux principes généraux de l’indépendance de la justice, explique-t-il. Il y a eu un assainissement illégal, improvisé et précipité du secteur qui ne peut qu’occulter la vérité ”.

Selon Ahmed Rahmouni, la remise en cause des décisions de révocation ne dédouane pas une partie des magistrats de leur implication avec l’ancien régime ou dans des affaires d’ordre moral. “Ces décisions n’ont pas permis l’assainissement du secteur car il subsiste jusqu’à ce jour, des magistrats véreux en exercice”, précise-t-il.

Les juges demandent donc que justice soit faite, une justice équitable qui leur permette de faire valoir leurs droits. D’après notre juge, ceux-ci proposent une sorte de «deal» au gouvernement: «ne faite pas appel, réhabilitez-nous, puis, nous nous mettrons à la disposition du conseil de discipline de l’instance provisoire de l’ordre judiciaire. Nous respecterons ses décisions».

Ils accepteraient ainsi une révocation en bonne et due forme, ou une autre sanction de la part de l’instance, si leur implication dans une quelconque affaire venait à être prouvée.

«Cela ne sert à rien de faire appel des décisions du Tribunal administratif, il faut réhabiliter ces juges dans leurs fonctions, demande Ahmed Rahmouni. Cependant, ces dossiers ne doivent pas être définitivement clos, certains devront s’expliquer devant l’instance provisoire de l’ordre judiciaire, d’autres, même parmi ceux qui n’ont pas été révoqués, devront faire face à la justice transitionnelle».

Entre-temps, comme les autres, Akrem Menakbi continuera à affronter le regard de sa famille et de tous les gens qui l’ont côtoyé juge. Selon lui, certains travaillent aujourd’hui comme simples vendeurs dans les commerces.

Droit d’asile: Un avant-projet pour combler le vide juridique

 

Un avant-projet de loi sur le «droit d’asile» a été présenté, hier matin, lors d’une conférence organisée au siège du ministère de la Justice, des  Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle.

Elaboré par le Centre des études juridiques et judiciaires (Cejj, cet avant-projet vise à combler le vide juridique en matière de droit d’asile, dans la mesure où plusieurs déplacés se trouvent actuellement sur le sol tunisien, alors qu’ils ne bénéficient pas du « statut de réfugié».

Cette proposition de loi devrait définir les modalités d’octroi et de retrait du droit d’asile, selon un représentant du ministère de la Justice.

Elle prévoit, également, la création d’une « Instance nationale de protection des réfugiés » qui, d’après le texte du projet, aura pour mission d’examiner les demandes d’asile et d’assurer le suivi de la situation des réfugiés.

Tout réfugié a le droit de rester sur le sol tunisien pourvu que sa demande soit validée par l’instance en question après examen, explique-t-on dans le document.

Bien qu’ils bénéficient des mêmes droits que tout citoyen tunisien, les réfugiés ne doivent aucunement se livrer à des activités politiques ou s’adonner à des actions qui risquent de compromettre les intérêts de la Tunisie, lit-on dans le même projet.

Surpopulation carcérale en Tunisie: Comment désengorger les prisons ?

 

Plus de 24 mille personnes sont détenues en Tunisie. Un nombre assez élevé pour un système carcéral qui compte plusieurs lacunes dont sa capacité d’accueil réduite. Or, la promiscuité dans les prisons et elle-même parmi les premiers facteurs de criminalité en milieu carcéral. Sans compter une liste longue et chargée de personnes recherchées et les mandats d’amener que les procureurs émettent par centaines chaque jour.

En effet, une prison qui n’est pas dimensionnée pour tous ceux qu’elle accueille devient un lieu propice à l’agitation, à la mutinerie et à l’agressivité.  Or, un détenu qui est mal pris en charge est vulnérable et prêt à récidiver.

Mais si l’on découvre que 11 mille détenus seulement purgent une peine définitive dans nos prisons et que 13 mille y séjournent dans le cadre d’une mesure de garde à vue, ce n’est pas uniquement les centres de détention qui souffrent de carences latentes mais toute la chaîne pénale.  En effet, cette surpopulation carcérale découle certes d’une infrastructure inadaptée, d’une vision de gestion éculée qui ne répond pas aux normes modernes mais aussi de cette facilité à jeter en prison les personnes pour des délits mineurs, de cette lenteur dans le traitement des affaires pénales et de l’absence de peines alternatives comme celle du travail d’intérêt général. Il s’agit de mieux cerner les possibilités dans le cadre légal actuel de façon à éviter que la petite délinquance puisse entrer dans le circuit pénitentiaire.

Car, dépeupler les prisons des faux criminels, c’est s’attacher à protéger les droits fondamentaux des autres détenus qui eux méritent leur place dans les cachots.

En partenariat avec la Fondation allemande pour la coopération juridique internationale (IRZ), le ministère de la justice et des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle vient d’organiser une conférence internationale sur la réalité et les perspectives du système pénitentiaire tunisien.

Lors de son allocution d’ouverture, M. Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, a rappelé aux présents les moments difficiles (destructions de l’infrastructure, incendies, etc.) qu’à connus le système pénitentiaire tunisien au cours des premiers mois de la révolution, ce qui a affecté, selon lui, les conditions de détention et conduit à la déterioration des conditions de travail des agents du milieu carcéral sans parler du surpeuplement des différentes unités.

«  Le ministère n’a cessé d’œuvrer pour trouver des solutions nécessaires pour promouvoir l’institution pénitentiaire et pour améliorer les conditions de travail des agents ainsi que les conditions de séjour des détenus. Nous fournissons des efforts pour que les prisons puissent devenir des institutions  capables d’assurer convenablement leur rôle de rééducation et de réinsertion sociale. Notre principal objectif est d’aider les prisonniers à mieux s’organiser à l’avenir et subvenir à leurs besoins une fois libérés», a-t-il déclaré.

 

La responsabilité de tous

« La réforme de l’institution pénitentiaire doit être la responsabilité de tous pour qu’on puisse atteindre les objectifs et les normes internationales. La Tunisie a déjà commencé à concrétiser quelques-unes, de ces objectifs à travers la mise en place de l’Instance nationale de prévention de la torture, et ce, en fonction de la loi organique n° 2013-43 du 23 octobre 2013. La mise en place de ce mécanisme vient s’ajouter au protocole facultatif à la convention de lutte contre la torture que la Tunisie a adoptée, après la révolution, selon le décret du 19 février 2011», a-t-il ajouté.

Toujours selon M. Ben Salah, cette instance nationale de prévention de la torture aura comme tâche d’organiser des visites  inopinées ou annoncées pour inspecter les centres de détention (prisons civiles et centres de rééducation des mineurs) et d’interviewer sur place les détenus.

« L’Instance doit s’assurer qu’il n’y a point de tortures dans ces lieux de détention et devrait formuler des recommandations pour prévenir les actes de torture et faire le suivi de l’application de ses consignes. Et nous sommes sûrs que cette Instance, lors de l’exercice de ses fonctions et la mise en œuvre de son rôle de contrôle et de prévention, ne manquera pas de participer effectivement à imposer le respect des droits de l’Homme au sein des prisons et des centres de rééducation», a fait savoir M. Ben Salah.

Toutefois, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle a souligné l’importance de la promulgation de la loi relative à la justice transitionnelle qui a permis la création de l’Instance vérité et dignité et la naissance de juridictions spécialisées.

 

Délimiter les responsabilités de l’Etat

« Cette instance va aider à mieux comprendre le passé à travers l’écoute des victimes, la dénonciation des violations des droits de l’Homme et leur indemnisation, ce qui va leur permettre de rétablir leur dignité.  Elle aura aussi, selon lui, un rôle très important pour délimiter les responsabilités de l’Etat et quelconque autre partie prenante», a-t-il renchéri.

Il a aussi rappelé que dans la nouvelle Constitution a été promulgué l’imprescriptibilité des crimes qui portent atteinte à la dignité humaine dont la torture.

« L’Etat prend aussi en considération les sanctions privatives des libertés ainsi que l’intérêt de la famille de l’incarcéré en accordant beaucoup d’importance à la réinsertion de ce dernier dans la société. Ces principes nobles ont besoin de textes juridiques pour qu’on puisse concrétiser tout cela sur le terrain. Ce qui nous impose de réviser tous les textes en rapport avec ce thème pour qu’il y ait une adaptation par rapport aux nouvelles dispositions constitutionnelles et aux standards internationaux», a-t-il conclu.

De son côté, M. Thomas Freudenhammer, chargé d’affaires à l’ambassade d’Allemagne à Tunis, a salué les efforts consentis par la Fondation allemande pour la coopération juridique allemande (IRZ) depuis 2011 en Tunisie à travers son étroite collaboration avec les autorités tunisiennes pour réformer le cadre juridique, notamment au niveau du système pénitentiaire local.

Justice transitionnelle — fonction publique: 6.453 victimes de la dictature intégrées

 

Appel à réviser les mécanismes de dédommagement et d’indemnisation des bénéficiaires et à mieux définir les notions de «victime et réparation du préjudice»

Pas moins de 6.453 victimes de la dictature ont été intégrées dans la Fonction publique, selon une étude dont les résultats préliminaires ont été présentés hier.

Parmi les bénéficiaires, figurent des amnistiés, des blessés de la révolution, des parents des martyrs et blessés de la révolution ainsi que des victimes des évènements du bassin minier (Gafsa).

En plus des recrutements directs, la réparation du préjudice a comporté le redressement du parcours professionnel, la couverture sociale et la régularisation de la situation des amnistiés auprès des caisses sociales, a expliqué Mohsen Sahbani, chargé de mission au ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle.

Il s’exprimait hier lors d’une table ronde consacrée à l’évaluation des mesures prises pour réparer les préjudices faits aux victimes de la dictature. De son côté, le président du Réseau tunisien pour la justice transitionnelle, Kamel Gharbi, a indiqué que la reddition des comptes est l’un des mécanismes de la réparation du préjudice subi par les victimes de la dictature.

L’Instance vérité et dignité est, notamment, appelée, a-t-il plaidé, à proposer des lois à même de remédier aux lacunes relevées au niveau du processus de dédommagement des victimes de la dictature. C’est que, d’un autre côté, une étude effectuée par deux universitaires sur un échantillon de 51 amnistiés dans le gouvernorat de Gafsa révèle une grande insatisfaction des services dont ils ont bénéficié tant au niveau de l’indemnisation matérielle qu’au niveau de la couverture sociale et la prise en charge psychologique.

Présant à la rencontre, le représentant du Centre international de la justice transitionnelle (Ictj), Ruben Carranza, a, notamment, souligné l’importance de définir les notions en rapport avec la justice transitionnelle en Tunisie, telles que « victime », et «réparation du préjudice ». La table ronde a été organisée par le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle en partenariat avec le ministère de la Justice, le Pnud, le Haut-commissariat aux droits de l’Homme (Hcdh) et le l’Ictj.

Projet de loi sur l’instance des droits de l’homme: Une démarche d’élaboration participative

 

Nécessité de l’autonomie financière et administrative de l’Instance. Le projet de loi relatif à l’Instance des droits de l’Homme a été remis hier, lors d’une rencontre, aux représentants de la société civile et aux experts pour en évaluer le contenu.

Les participants à la rencontre, qui s’est déroulée au siège du ministère de la Justice au Bardo, ont, notamment, insisté sur l’autonomie financière et administrative de l’instance.

Intervenant à l’ouverture des travaux, le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, Hafedh Ben Salah, a expliqué qu’une démarche participative a été adoptée dans l’élaboration de ce projet de loi.

L’objectif étant, a-t-il souligné, d’aboutir à un texte consacrant les principes fondamentaux contenus dans la nouvelle Constitution et qui fait l’unanimité de toutes les composantes de la société civile.

Ben Salah a, par ailleurs, insisté sur l’importance de conférer aux décisions de l’instance un caractère exécutoire et non consultatif.