Alors que la campagne électorale bat son plein et que les multiples listes concurrentes alignent, dans le désordre, des idées et propositions disparates se voulant alléchantes, plusieurs médias professionnels continuent d’opter exclusivement pour l’audimat facile et de rechercher le buzz de manière obsessionnelle.
La «performance» d’Ettounsiya à ce niveau s’est de nouveau spectaculairement illustrée, passant carrément à l’apologie du terrorisme jihadiste, par le biais d’une déclaration solennelle d’un journaliste s’honorant de revendiquer son amitié pour le numéro un de Ansar Echaria.
Un dangereux tournant
Quels que soient le verdict de la justice et les suites que prendra la décision de la Haïca sur ce programme faisant commerce de «l’audace», cette déclaration favorable à un dangereux chef terroriste sur le petit écran représente un dangereux tournant investissant l’espace public, en pleine campagne électorale. Surtout que l’émission n’était pas en direct et que ce buzz, en l’apparence fortuit puisque sans lien avec le thème de l’émission, aurait bien pu être écarté au niveau du montage.
À l’heure où le pays et ses forces sécuritaires s’évertuent à battre en brèche l’encerclement et la terreur que tente de nous imposer le jihadisme international, des chevaux de Troie se manifestent çà et là. Comme cet engouement d’avocats, engagés politiquement auprès de la Troïka, à courir défendre en justice le journaliste fautif. Un geste qui suggère une campagne de charme bien ordonnée en direction des ennemis mortels de notre pays et de leurs sympathisants locaux, heureusement fort minoritaires.
Information professionnelle et audimat
Tous les journalistes professionnels, et même les animateurs que la Révolution a propulsés au-devant de la scène, maîtrisent parfaitement les techniques journalistiques capables de structurer l’information et le débat politique qu’attendent aujourd’hui les Tunisiens, à la veille d’un vote qu’ils savent essentiel pour l’avenir du pays. Et le souci de booster l’audience d’une chaîne où le lectorat d’un journal peut parfaitement se passer des recours illicites ou folkloriques pouvant créer artificiellement le buzz. Car l’édification de la IIe République et la promotion des moyens pouvant garantir un fonctionnement démocratique efficient au service de la souveraineté populaire exigent que la prise en charge du débat politique soit sérieuse, professionnelle et de qualité. Sans le moindre parasitage !
Sauver la campagne électorale
Il est clair désormais que la Haïca n’a malheureusement ni les moyens ni l’autorité de maîtriser et corriger cette dérive menaçante. De sorte qu’il faille recourir d’urgence, auprès des organisations de patrons de médias, à une intervention concertée de la part de l’Isie et de l’ensemble des partenaires du débat national que chapeauterait le Quartet qui l’a si bien parrainé, afin de rationaliser et professionnaliser le débat. Le but devant être une sécurisation de l’information politique et du débat entre listes et partis, aux fins d’offrir à l’électeur une grille de lecture accessible, pouvant rendre plus aisé et rationnel le choix des électeurs. Des initiatives dans ce sens ont été certes engagées par le Centre Kheireddine pour les cadres et par le Capjc pour les journalistes, sur les questions économiques et sociales : elles gagneraient à faire école.
Le pays s’apprête à arbitrer, à travers le verdict des urnes, son avenir sur cinq ans et plus. Il est essentiel que le débat soit dépourvu de buzz malvenus et ne se contente pas de propositions flashs spectaculaires, du genre gratuités, aides et subventions miraculeuses sans véritable programme cohérent pouvant les porter. Que dire de l’impact essentiel du projet de société à ce niveau ?