Lotfi Naguedh, le coordinateur du mouvement d'opposition laïque tunisien Nidaa Tounès (l'Appel de la Tunisie), à Tataouine (sud de la Tunisie) est mort en marge d'affrontements jeudi 19 octobre entre ses partisans et des manifestants proches d'Ennahda, le parti au pouvoir. Par ailleurs, neuf autres personnes ont été blessées.
Une marche avait été organisée par les islamistes de la Ligue de protection de la révolution de la ville appelant à « l'assainissement de l'administration des symboles de la corruption ». Devant le siège de l'Union régionale de l'agriculture et de la pêche (URAP), les manifestants au nombre de 150, selon le ministère de l'intérieur, et des membres de Nidaa Tounès ont échangé des jets de pierres, certains allant jusqu'à l'usage de cocktails Molotov.
Le porte-parole du ministère de l'intérieur, Khaled Tarrouche, a confirmé les violences au cours de cette manifestation pour l'épuration des cadres de l'ancien régime mais a assuré que Lotfi Naguedh avait été terrassé par une crise cardiaque.
Nidaa Tounès assure pour sa part que les violences provenaient uniquement du camp des manifestants composés notamment d'éléments d'Ennahda et de « criminels notoires de la région » qui ont investi le siège de l'URAP, frappant des occupants avec des bâtons. L'ex-premier ministre tunisien et chef de Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, 84 ans, a dénoncé le« premier assassinat politique depuis la révolution », accusant les islamistes au pouvoir, Ennahda, et son allié de centre-gauche, le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki, d'être responsables de la manifestation. Il a aussi évoqué, lors d'une conférence de presse à Tunis, « un lynchage », montrant une vidéo où l'on voit une personne présentée comme la victime traînée au sol et frappée par une foule.
Le corps a été transporté à Tunis vendredi 19 octobre où une autopsie devait avoir lieu. Ennahda a de son côté accusé dans un communiqué diffusé la veille au soir les partisans de Nidaa Tounès d'avoir provoqué les violences.
Au sujet de la mort de Lotfi Naguedh, le président tunisien Moncef Marzouki a dénoncé à son tour un « lynchage ». Il est le premier responsable à avoir reconnu que le coordinateur de Nidaa Tounès à Tataouine avait bien été tué dans des affrontements après une manifestation qui a dégénéré et non d'une crise cardiaque comme l'affirmait le ministère de l'intérieur. « C'est un Tunisien qui a été piétiné, comment une telle opération de lynchage est-elle possible en Tunisie ? », a déclaré M. Marzouki dans un entretien à la télévision tunisienne, évoquant une « atrocité absolue, inacceptable » qui met à mal « la cohésion nationale ». Le président tunisien a promis, dans une communication téléphonique avec l'un des membres de la famille de Lotfi Naguedh, l'ouverture d'une enquête sur les incidents survenus dans la ville de Tataouine.
La Ligue tunisienne des droits de l'Homme a pour sa part condamné ces « violences politiques » et appelé à la « dissolution de ce qu'on appelle Ligue ou comité de protection de la révolution, qui appelle à la violence ». Cette organisation est accusée d'être derrière plusieurs actes de violences. La semaine dernière, elle avait promis aux « ennemis de la révolution et aux caciques de l'ancien régime » de leur faire « regretter de ne pas s'être suicidés », affirmant préparer « des surprises de gros calibre pour les exterminer tous ».
Les partisans du gouvernement accuse Nidaa Tounès de rassembler des tenants du président déchu, Zine El Abidine Ben Ali. Béji Caïd Essebsi, deuxième premier ministre de transition après la révolution de 2011, qui a fondé le parti Nidaa Tounès cet été, connaît, selon des sondages, une popularité croissante. Il cherche à rassembler la société civile. Nidaa Tounès entend présenter une alternative aux islamistes d'Ennahda. Beji Caïd Essebsi instruit le procès en incompétence du gouvernement, fustigeant « ces gens qui ne croient pas en l'État tunisien » et qui « n 'ont pas digéré la modernité tunisienne de ces cinquante dernières années ».
Read More »