La volonté du chef du gouvernement de recourir aux décrets-lois, durant deux mois, pour tenter d’enrayer la propagation de la pandémie de Covid-19, est vécue par Ennahdha comme une offensive de l’exécutif sur le législatif.
L’un est aux commandes de la primature, l’autre du Parlement. Mais faute de s’entendre, ils lestent un peu plus les prises de décisions. L’initiative législative, pour gouverner par décrets-lois durant deux mois, introduite par le gouvernement pour avoir les coudées franches face à la pandémie de Covid-19, devient la pomme de la discorde entre le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, et le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi.
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Chacun déploie sa stratégie et tente de prendre l’autre de cours. Le coronavirus leur donne un prétexte pour croiser le fer. La proposition de Fakhfakh, qui s’appuie sur l’article 70 de la Constitution, est vécue comme une offensive de l’exécutif pour diminuer du pourvoir du législatif. « Chaque pouvoir défend son territoire », constate en plénière Farida Labidi, du groupe parlementaire d’Ennahdha, parti dont Rached Ghannouchi est le premier leader. « On veut ôter du pouvoir conféré par le peuple à l’Assemblée », assène pour sa part Oussema Khlifi de Qalb Tounes dont le fondateur, Nabil Karoui est proche du patron d’Ennahdha.
Pouvoir unipersonnel
Mais les réels désaccords sont plus profonds. Faute de pouvoir obtenir un vote de confiance pour le gouvernement de son poulain Habib Jemli, Ennahdha s’était résolue à passer la main, en février 2020, au président Kaïs Saïed, qui a chargé Elyes Fakhfakh de former un exécutif. Partie prenante du gouvernement, Ennahdha a quand même fait dans la surenchère et claqué la porte des négociations. D’autant qu’Elyes Fakhfakh avait annoncé, au vu de l’urgence économique, vouloir gouverner par décrets-lois pendant un temps. Kaïes Saïed, n’était pas en reste, bien décidé à dissoudre l’Assemblée en cas de rejet du gouvernement Fakhfakh.
Des positions qui ont été perçues comme des menaces visant le régime parlementaire qu’Ennahdha avait promu en 2014. « Comment laisser le pouvoir entre les mains d’un seul homme ? Il peut se tromper », tempête Iadh Elloumi, député de Qalb Tounes, qui réactive la crainte d’un retour de pouvoir unipersonnel.
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Le tout récent exécutif et le législatif sont depuis un mois à couteaux tirés. Rached Ghannouchi, pour contrer une gouvernance par ordonnance, se fait procédurier. Malgré l’urgence, le patron de l’Assemblée a fait adopter, ce 26 mars, des amendements au règlement intérieur, permettant aux députés d’intervenir et de voter à distance (122 élus sur 217). Un dispositif qui permet aux parlementaires d’être opérationnels tout en se conformant au confinement obligatoire en vigueur depuis le 22 mars.
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