mercredi , 29 mars 2023
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Le spectre d’une restriction des libertés refait surface après les propos polémiques du ministre de l’Intérieur

Est-ce un retour aux pratiques Benalistes? Est-ce que la liberté de la presse est aujourd’hui menacée? Ces questions ne sont pas prêtes de s’estomper après les récentes déclarations tenues par le ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem, lors d’une audition à l’Assemblée des représentants du peuple, déclarant qu’un journaliste étranger aurait été “intercepté” en train d’ “échanger” avec des protestataires, tard dans la nuit.

“Intercepté”, c’est le mot utilisé par le ministre, ce qui pourrait faire croire à des écoutes téléphoniques. En tout cas, cette hypothèse n’a pas été niée par le député de Nidaa Tounes, Mongi Harbaoui. Bien au contraire, celui-ci est allé jusqu’à justifier les écoutes téléphoniques sur les journalistes, estimant que c’est “normal” lorsque la sécurité nationale est menacée. “Il faut mettre cette opération (d’écoute) dans son contexte, et pas seulement prendre le fait qu’un journaliste ait été mis sur écoute” a-t-il déclaré.

Le député évoque par la suite la suspicion de présence de terroristes lors des protestations nocturnes déclarant: “Tous les journalistes ne sont pas des journalistes. Il y a des choses dangereuses qui se sont passées. Le ministre a parlé d’arrestation de terroristes lors des dernières manifestations”.

Mongi Harbaoui a également affirmé que “les droits des journalistes sont protégés par la loi”, mais que “s’il y a une menace sécuritaire dans un cadre précis, la police est en droit d’enquêter que ce soit avec un journaliste ou un homme politique” avant d’ajouter qu’ “il n’y a pas de ligne rouge avec la sécurité.”

Lors de sa prise de parole, le ministre de l’Intérieur a également mis en garde certains blogueurs qui, dit-il, “accusent à tort, incitent à manifester dans le but de semer le désordre, et appellent même à renverser l’État”. “Tout blogueur va devoir assumer ses responsabilités, et la justice fera son travail” a-t-il ajouté.

Le Syndicat des journalistes menace

De son côté, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), a annoncé, sur les ondes de Radio Tataouine, la possibilité d’entrer dans une grève générale, en réaction à la répression des libertés des journalistes par le ministère de l’Intérieur, considérant que celle-ci menace la liberté d’expression, un acquis précieux de la révolution. “Les dernières déclarations de Lotfi Brahem lors de son audition ont été la goutte qui a fait déborder le vase” a ajouté Mohamed Youssfi, membre du bureau exécutif du SNJT.

Le syndicat a également affirmé dans un communiqué, que des agents de sécurité en civil ont menacé, samedi, le journaliste Rachid Al-Jarri, de la chaîne Al-Hurra (une chaîne de télévision en arabe financée par les États-unis), lui confisquant sa carte de presse et son téléphone, dans le but de l’empêcher de couvrir la manifestation “Sayabni” à l’avenue Habib Bourguiba, au centre-ville.

Le journaliste aurait également déclaré qu’il a été emmené au poste de police, avant d’être relâché, et menacé, pour qu’il ne publie pas les photos et les vidéos qu’il avait prises, comme l’indique le communiqué.

Le SNJT rapporte également une discussion téléphonique entre Zied Dabbar, membre du syndicat, et le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khalifa Chibani, qui lui aurait dit de “se débrouiller et d’aller voir la justice”, selon ce qui est venu dans le communiqué. Commentant les propos de Chibani, Mehdi Jelassi, également membre du SNJT, a estimé sur Mosaïque FM, que de telles déclarations ne sont pas dignes d’une institution publique qui prétend protéger les libertés.

Le syndicat affirme également avoir reçu un certain nombre de plaintes de la part de journalistes au cours des derniers jours, faisant état de surveillance par des civils de leurs domiciles ou lieux de travail, en plus d’écoutes téléphoniques.

Il a également dénoncé la politique de Lotfi Brahem, ajoutant que celui-ci jouissait d’une mauvaise réputation auprès des journalistes et de la société civile, et se serait “lâché” contre eux dès sa nomination à la tête du ministère.

D’après le SNJT, les agressions de journalistes par la police se seraient accrues après la nomination de Lotfi Brahem, considérant que celui-ci reprend les anciennes pratiques de répression. Selon le syndicat, les chiffres montrent bien une hausse dans le nombre d’agressions enregistrées (de 10%), soulignant que celles-ci ne s’étaient jamais complètement arrêtées après 2011, mais qu’elles se seraient intensifiées depuis quelques mois.

“Le ministère de l’Intérieur fait tout pour nous prouver qu’il est le premier ennemi de la liberté, et ce depuis la révolution” a déclaré sur les ondes de Mosaique FM, Mehdi Jelassi, membre du SNJT. Selon ce dernier, citant un communiqué conjoint entre le SNJT et les directeurs des médias, pas encore rendu public, un boycott des activités du ministère serait aussi envisagé.

Le SNJT compte également faire part de ces dépassements au rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression de l’ONU, et de l’inviter pour une visite d’urgence en Tunisie, au cas où les dépassements continuent.

Il attribue par ailleurs la responsabilité au chef du gouvernement et au président de la République à respecter leurs engagements en matière de liberté de la presse et des journalistes.

Sur les réseaux sociaux, la dénonciation d’une “pâle copie de l’ancien régime”

Plusieurs journalistes, activistes et citoyens ont condamné, chacun à sa manière, les déclarations du ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem.

Le président du SNJT, Néji Bghouri a de son côté parlé de “nostalgie de Lotfi Brahem pour son passé, et pour la dictature.”

Selon le journaliste Thameur Mekki, le ministre serait “plus doué pour la matraque que pour la politique”.

L’avocat Oussema Helal a pour sa part qualifié le ministre de “pâle copie d’un régime qui a déjà été vaincu”.

Certains ont choisi l’ironie pour répondre au déclarations du ministre.

Médias étrangers pointés du doigt, et ONG indignées

Le 13 janvier dernier, le président de la République, Béji Caid Essebsi, s’en était ouvertement pris à la couverture médiatique étrangère des derniers troubles sociaux en Tunisie. “Il y a eu beaucoup d’exagération de la part des médias étrangers, Les télés et les journaux étrangers ont terni l’image de la Tunisie parce qu’il y a des Tunisiens qui les provoquent, et je les connais” avait-il déclaré.

Le lendemain de cette déclaration, Michel Picard, correspondant français de RFI, avait été interpellé et emmené au poste de la Garde nationale où il a été prié de répondre à plusieurs questions, et de “signer un document en arabe sans traduction officielle”.

Quelques jours plus tôt, le journaliste français indépendant basé à Tunis, Mathieu Galtier avait été interpellé à son domicile par trois membres de la Garde nationale, afin d’être questionné et de révéler l’identité de ses contacts. L’intervention faisait suite à la couverture des manifestations, pour le journal français Libération.

Suite à ces incidents, le club des correspondants étrangers en Afrique du Nord (NAFCC) – qui vise à défendre les intérêts des journalistes collaborant avec des médias internationaux au Maghreb – a exprimé son inquiétude face à “la pression grandissante” subie par les journalistes étrangers en Tunisie ces derniers jours.

L’ONG internationale Reporters Sans Frontières (RSF) a également dénoncé les pressions exercées sur des journalistes lors de la couverture des manifestations.

De son côté, Amnesty International s’est indignée des méthodes “brutales” utilisées par les policiers pour disperser les manifestants, y compris lors des rassemblements pacifiques.

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