En Tunisie, le marché parallèle, alimenté essentiellement par la contrebande est un fait incontestable dont tout le monde est conscient. Nous parlons de 40% du PIB national, et de millions de dinars générés chaque jour par les commerces illégaux.
Nous pouvons nous étonner de l’ampleur du phénomène, mais il faudrait le mettre dans son contexte général, déterminer les bénéficiaires et comparer son étendue à celle dans d’autres pays dans le monde.
A titre d’exemple, « l’économie informelle » emploie près de la moitié de la main-d’œuvre en Tunisie, les deux tiers dans les pays de l’Afrique subsaharienne et 80% en Asie du Sud-est. Dans ces régions sous-développées du monde, l’informel devient monnaie courante. Comparant maintenant avec des pays dits développés, à l’instar du Royaume-Uni. L’économie informelle absorbe plus de deux millions de travailleurs, elle représente 12% du PIB. En Allemagne, en France et aux Etats-Unis, des millions d’individus survivent grâce à ces réseaux de marchés parallèles. Ils arrivent à s’acheter des maisons et des voitures, même en étant illégaux.
Nous nous parlons pas uniquement des réfugiés, mais aussi d’étudiants, qu’ils soient étrangers ou non, et qui voudraient arrondir les fins des mois. Nous parlons de mères célibataires qui n’arrivent plus à survivre avec un seul salaire et qui travaillent illégalement en plus d’un travail officiel peu rémunéré. Nous parlons de toute sorte de personnes, retraités, ex-travailleurs agricoles, mineurs non enregistrés, immigrés clandestins, ils ont en commun leur besoin urgent de générer des bénéfices face à la hausse fulgurantes des prix et la crise économique généralisée.
Ces personnes peuvent exercer dans le commerce, comme en Tunisie à Ben Guerdane, où l’on peut trouver des commerçants retraités de l’enseignement. D’après l’un d’eux, Ahmed, qui vend des ustensiles de cuisine, son commerce n’est rien en comparaison avec celui de certains contrebandiers qui contrôlent les chaînes d’approvisionnements. Ces derniers jouissant d’excellents rapports avec la police, peuvent tout importer, y compris de la drogue. Le commerce transfrontalier informel touche ainsi à une variété de marchandises, qui va de l’électroménager aux armes à feu. Cette spécificité n’est pas exclusive à la Tunisie, dans le monde entier les mêmes schémas se répètent, et l’incapacité de l’économie formelle à absorber tout le flux des travailleurs n’a fait qu’alimenter davantage le marché parallèle.
Selon les statistiques des rapports internationaux, le secteur informel ne cesse de prospérer et de générer des bénéfices.
Les raisons de cette prospérité sont très variées. Il y a d’abord le flux des immigrés et des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, et qui se comptent par millions. Ensuite, nous avons la crise économique qui a induit au licenciement de millions d’employés à travers le monde, ces derniers, pour survivre, sont prêts à travailler dans le noir. Aussi, dans les sociétés modernes et avec le développement technologique, les entreprises sont devenues particulièrement élitistes et les moins bons ne trouvent plus leur place. La machine a de même remplacé une grande partie de la main d’œuvre et le niveau éducatif et technique d’une grande partie des populations ne lui permet plus de trouver même un simple boulot dans une usine de textile. Il y a ce décalage flagrant entre le progrès technologique mené par quelques uns et les compétences des travailleurs. Plus personne n’y trouve sa place et la situation ne pourrait qu’aller d’avantage vers le pire.
La recherche sur l’économie informelle nous permet de constater à quel point les plus vulnérables de notre société – souvent non assurés, sans contrats, souffrant d’handicap, sont dénigrés par les systèmes économiques actuels. La contrebande, le commerce illégal, l’économie parallèle ont, malgré le tort qu’ils causent à l’économie formelle, le mérite d’employer les défavorisés de la société.
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