A l’heure où le Chef du Gouvernement, en visite à Berlin, et la chancelière Angela Merkel sont parvenus à un accord pour le rapatriement de 1 500 immigrés tunisiens clandestins, le retour des terroristes des zones de guerres pose encore problème et reste un sujet de discorde tant par sa complexité juridique que par ses répercussions sécuritaires. C’est d’ailleurs sur ce sujet que s’est penché le Centre d’Etudes Militaires lors de son atelier stratégique restreint, organisé hier sous l’égide du ministère de la Défense, en présence d’experts en stratégie militaire, mais aussi en sécurité nationale, en média ou encore en sciences juridiques et constitutionnelles. Dans son allocution, le ministre de la Défense Farhat Horchani a longuement évoqué la problématique des terroristes de retour en Tunisie, passant notamment en revue les dangers qui guettent le pays comme beaucoup d’autres d’ailleurs ainsi que les raisons plurielles qui ont mené de jeunes Tunisiens à se rendre dans des pays en guerre, rejoindre les rangs de groupes terroristes armés. Parmi ces facteurs, la précarité et la tentation du gain facile pour les uns et le vide spirituel, idéologique, culturel et éducatif pour les autres, issus de milieux plus aisés. Sans oublier d’ autres facteurs comme l’absence durant de longues décennies d’une vraie démocratie et d’un espace de liberté pour les citoyens mais aussi l’injustice sociale et les disparités régionales dans un passé plus proche, l’utilisation de la religion à des fins politiques et la fragile transition politique et sociale en l’absence de traditions démocratiques solidement ancrées. D’autres facteurs internationaux ont également été évoqués, par exemple la mondialisation, la recrudescence des conflits, la dominance de certains Etats par rapport à d’autres, la perte d’équilibre entre les différentes idéologies, mais aussi la généralisation du terrorisme qui ne peut plus être cerné et assimilé à un seule pays ou une seule région. « Le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau et est devenu depuis quelques temps un fléau international. Pour en comprendre l’étendue ainsi que la complexité et pour le combattre efficacement, il convient de revenir à ses sources pour pouvoir identifier les raisons de sa généralisation et y remédier », a souligné à ce propos le ministre. Revenant à la thématique principale, à savoir le retour en Tunisie des terroristes, il a d’abord tenu à préciser que nul ne détient formellement leur nombre exact et que tous les chiffres avancés jusque là ne sont qu’approximatifs ou exagérés. Il a ensuite expliqué que le retrait de la nationalité, envisagé par certains comme une punition pour les takfiristes, est en totale contradiction avec l’article 25 de la Constitution qui stipule qu’ : « Il est interdit de déchoir de sa nationalité tunisienne tout citoyen, ou de l’exiler ou de l’extrader ou de l’empêcher de retourner à son pays. » Ajoutant : « L’abrogation de la Constitution à ce sujet est un pas en arrière qui ne serait pas sans nous rappeler les pratiques de l’ancien régime. Ce serait aussi une grave décision qui pourrait avoir des répercussions dangereuses sur le processus démocratique engagé.»
Pour le ministre, un traitement efficace de cet épineux dossier passe par trois solutions juridiques. Il estime ainsi que les terroristes de retour doivent soit être poursuivis en justice selon la nouvelle loi antiterroriste, soit placés sous surveillance administrative ou encore poursuivis en justice devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Insistant de nouveau sur la menace que représente le retour de ces terroristes sur la sûreté nationale, Farhat Horchani a énoncé une série de mesures dont une base de données répertoriant les réseaux de connexion des terroristes, leurs données personnelles ainsi que celles de ceux qui ont facilité leur voyage, les régions dans lesquelles ils se sont rendus ainsi que les armes avec lesquelles ils se sont battus et la nécessite d’accélérer la constitution de la commission parlementaire dédiée aux réseaux de recrutement, d’embrigadement et d’envoi des Tunisiens en zones de guerres. Le ministre a aussi estimé judicieux d’élaborer un guide procédural qui définit et explique le mode de traitement avec ces terroristes, depuis leur arrivée, jusqu’à leur comparution devant la Justice, tout en passant par les conditions de leur détention. Il a par ailleurs insisté sur l’importance de collaborer avec leurs familles, de garder un œil sur les financements des associations suspectes mais aussi de renforcer les compétences de sécurité et de renseignement des autorités tunisiennes. Il a également appelé à une meilleure collaboration militaire et sécuritaire avec les pays voisins et partenaires.
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