La journée de grève générale décidée pour hier par le Syndicat national des journalistes tunisiens, qui a été massivement suivie par la profession, est un acte de sursaut dont le but est en fin de compte d’instaurer dans ce pays l’ordre d’un journalisme affranchi du régime des tutelles politiques, des allégeances plus ou moins avouées, des pressions insidieuses qui sont exercées ou qui pourraient l’être encore à la faveur de situations de précarité parfois entretenues. Autant de choses qui, nous l’avons vu amplement dans le passé, érodent la crédibilité et le sérieux de l’information comme de l’analyse… Crédibilité et sérieux dont la profession porte la responsabilité devant la société tout entière et dont, depuis la révolution, elle ne veut plus se montrer indigne.
Les journalistes tunisiens, à travers leur syndicat, ont eu le souci que soit mise en place une législation qui accompagne cette évolution et, surtout, qui empêche tout retour en arrière vers les anciennes pratiques d’assujettissement de la presse. C’est dans ce sens qu’ils ont été associés à l’élaboration de deux textes importants qui définissent les droits et devoirs devant la loi : il s’agit des fameux décrets-lois 115 et 116. Cela s’est passé durant la première période de transition démocratique, qui a précédé les élections du 23 octobre dernier. C’est également dans ce sens qu’ils ont milité afin que ces dispositions, dont ils reconnaissent qu’elles sont perfectibles, soient prises en compte par le gouvernement de la Troïka et entérinées, considérant l’incontestable avancée qu’elles représentent du point de vue de la transition démocratique et de la protection de la liberté d’expression.
Ce combat fut de longue haleine et s’est heurté à une opposition âpre. Mais ses fruits sont là et couronnent un effort de mobilisation et d’activisme. En effet, les deux décrets-lois viennent enfin d’être reconnus par le gouvernement. Cela s’est passé hier, en pleine action de grève : un communiqué de la présidence du gouvernement informe que les décrets-lois ont été «activés»… Le communiqué poursuit: « Le gouvernement reste toujours ouvert au dialogue pour interagir positivement avec toutes les questions qui engagent le secteur de l’information et celles qui concernent la situation sociale dans certains établissements médiatiques».
Saluons donc, en même temps que l’action des journalistes qui entendent défendre leur liberté, ce résultat décisif qui est assurément à mettre sur le compte d’une lutte persévérante… Même si d’autres restent sur le chemin.